Le somptueux palace qui vient tout juste d’ouvrir des portes à Paris est un lieu historique. Il fut la demeure du prince Roland Bonaparte (1858-1924), fils du prince Pierre Bonaparte, petits-fils de Lucien Bonaparte, un des frères de Napoléon. Roland Bonaparte, lieutenant au 36ème régiment d’infanterie de ligne, épouse en novembre 1880 Marie-Félix Blanc, héritière de François blanc, fondateur du casino de Monte-Carlo. Deux ans après, naît sa fille Marie, qui deviendra une psychanalyste célèbre. L’épouse du Prince disparaît la même année, en septembre, victime d’une embolie. En 1886, une loi radiant de l’armée les princes des maisons ayant régné en France est votée. Le prince Roland Bonaparte quitte définitivement l’armée pour entreprendre de nombreux voyages dans le monde. Il commence à accumuler une importante documentation géographique, ethnologique et botanique. Notons que le Prince sera d’ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages sur ces disciplines. En 1891, il fait l’acquisition de terrain, avenue d’Iéna, à Paris, en surplomb de la rue Fresnel, sur une partie la colline de Chaillot et dominant la Seine.
L’avenue d’Iéna fut ouverte en 1858, en partie sur l’emplacement de la rue des Batailles (curieux hasard toponymique), voie principale de l’antique village de Chaillot.
C’est dans cette même rue, à l’emplacement du n°12 de l’avenue d’Iéna, qu’habita Balzac, en 1834. En 1892, l’architecte Ernest Janty commence les imposants travaux de la demeure du prince. Ils se poursuivront jusqu’en 1894. Cette même année le prince Roland et sa fille la princesse Marie emménagent dans cet endroit somptueux. Cette immense demeure, entretenue par un personnel composé de 30 personnes, comporte une importante bibliothèque, comprenant 6 kilomètres de rayonnages…
En avril 1924, le prince Roland meurt dans ce même endroit. L’année suivante, sa fille Marie, devenue par son mariage en 1907, princesse de Grèce vend l’hôtel de l’avenue d’Iéna à la Compagnie financière du Canal de Suez. La bibliothèque du prince érudit est alors louée à la société de Géographie, dont il fut Président.
Par la suite, dans les années 1926/1929, le corps de l’hôtel Roland Bonaparte sera surélevé de deux étages. Des appartements locatifs sont emménagés. Le peintre Jean-Gabriel Domergue (1889-1962) qui a commis avec talent quelques peintures légères, en sera un des locataires. Quatre niveaux de garages seront crées sur la rue Fresnel. La cour de la bibliothèque sera transformée en salle de spectacle et les galeries du rez-de-chaussée en foyers. En 1944, l’immeuble est acquis par le Centre National du commerce Extérieur (CNCE), nouvellement créé. Cette institution deviendra par la suite le Centre Français du Commerce Extérieur (CFCE) et occupera les lieux jusqu’en 2004. En 1966 un sixième étage est ajouté au bâtiment. De 1983 à 1987, d’importants travaux de rénovations sont entrepris.
Cet endroit, que j’ai eu l’occasion de visiter en 1992, contenait çà et là quelques rappels napoléoniens. Ici ce sont des abeilles dans une moulure, un plâtre superbe représentant Bonaparte à cheval franchissant le Saint-Bernard surmontait la cheminée de l’ancienne salle à manger princière, devenue le siège du très confidentiel « Club Carrefour Iéna International »…Il est à souligner que l’entier contenu de l’hôtel, formé par le mobilier, les tableaux, les livres de l’imposante bibliothèque, a été dispersé après la mort de Roland Bonaparte.
Le groupe Shangri-La, qui n’a pas donné un nom très original à ce nouvel établissement en le baptisant « Shangri-La Hôtel, Paris », n’oublie nullement que ce lieu fut construit pour un descendant du grand Napoléon, un prince lettré et cultivé.
Ainsi, la chambre la plus somptueuse porte le nom de « Suite Impériale » et occupe l’emplacement des appartements privés du Prince Roland Bonaparte.
C.B.
Ici un article récent du « Parisien » (26 octobre 2010) sur cet endroit (400 personnes formeront le personnel de l’hôtel. Shangri-La a préféré donner la priorité à la qualité qu’à la quantité : 81 chambres (de 47m2 en moyenne) et 27 suites-de 50 à 300 m2- occupent les lieux) :
Site institutionnel :
http://www.shangri-la.com/fr/property/paris/shangrila
Illustrations: Portrait du prince Roland Bonaparte dans sa tenue de lieutenant au 36ème de ligne. Ce tableau d’Edouard Armand-Dumaresq ornait le trumeau de la cheminée de son cabinet de travail, avenue d’Iéna.
Une lettre du même en date du 20 octobre 1894. Elle porte les initiales « R.B. » [Roland Bonaparte] surmontées de la couronne princière et l’adresse « Paris, 10, avenue d’Iéna ».