Après avoir fait paraître en 2005 les lettres du général Mouton, qui présentaient un certain intérêt, les Editions Nouveau Monde ont réalisé un volume consacré à la correspondance, elle aussi inédite, d’Eugène de Roussy. Ce jeune aristocrate, né en 1787 et mort en 1872, s’engagea de 1806 à 1807 aux gendarmes d’ordonnance, puis passa dans les rangs du 28ème dragons, de 1808 à 1811. Les nombreuses lettres qu’il adressa à ses proches pourraient être intéressantes; loin de là ! Je me suis profondément ennuyé en lisant la prose du jeune de Roussy. Il n’y parle que de préoccupations matérielles, d’argent à lui transmettre, de bals, de repas entre amis (bien nés comme lui), de choses futiles, sans réel intérêt. Point de batailles, de combats ou même d’escarmouches. On est loin des correspondances si hautes en couleurs que laissèrent certains officiers et soldats de cette époque (citons notamment Coudreux, Paruit, Maffre, le jeune Aubry de Vildé-qui laissa peu de lettres mais d’une densité émouvante-, et les frères Peyrusse, Guillaume et André, qui me sont désormais particulièrement familiers, tout en n’étant pas des militaires au sens propre du terme). Au fur et à mesure de la lecture de cet ouvrage, qui comporte pourtant une solide préface et un appareil critique qui l’est tout autant, le lecteur peut se demander légitimement quand « l’action » va commencer, enfin. Et le ronflement du canon, et les coups de feu et les cris, que l’on peut deviner si souvent dans les lettres laissées par les acteurs de la Grande-Armée ? Point de tout cela ! Il ne se passe rien : Eugène de Roussy tout occupé par des futilités évoque à peine les événements historiques auxquelles il a été associé. Comme on est éloigné de ce que pouvait ressentir alors le soldat des guerres de l’Empire ! Ses espoirs, ses doutes, la peur aussi, qu’il n’ose s’avouer, ce réalisme quelquefois si violent et qui permet au lecteur d’aujourd’hui de revivre cette grande époque historique. Le contenu de ce livre est à des années-lumière de tout cela. De ces 157 lettres restées enfermées dans les lourdes armoires des archives familiales on ne retient historiquement rien. On ne peut que le regretter.
« De l’Empereur au Roi. Correspondance d’Eugène de Roussy (1806-1830). Préface d’Emmanuel de Waresquiel. Présentée par Chantal de Loth. Introduction et annotation par François Houdecek », Editions Nouveau Monde,[paru le 12 juin] 2012, 382 pages).