Napoléon, la presse et les journalistes.
Voici un sujet rarement abordé dans l’époque napoléonienne: celui du journalisme. Avec cette étude, écrite il y a près un siècle, A. Périvier, lui-même ancien directeur du « Figaro », analyse en détail les rapports que général Bonaparte, puis le premier Consul et enfin l’Empereur, entretenait avec la presse et les journalistes. Périvier n’oublie pas que Bonaparte lui-même « fut un grand écrivain, un maître dans l’art d’exprimer sa pensée ». Durant toutes ses campagnes, Napoléon consacra toujours du temps afin de composer articles de presse mais il garda également un œil attentif sur ce qui était publié dans les quelques journaux autorisés. La censure étant en vigueur à l’époque. La voix de la France, en état de guerre permanent, tant sur le plan intérieur, avec les royalistes et leurs différents complots, qu’extérieur, ne devait se faire entendre qu’avec un contrôle absolu sur tout ce qui paraissait. Il y a aussi les journaux créés de toutes pièces par le futur empereur: citons « Le Courrier de l’armée d’Italie » et « La France vue de l’armée d’Italie », ce dernier ayant pour rédacteur en chef Régnault de Saint-Jean-d’Angély, un homme tout dévoué à Bonaparte. Durant la campagne d’Égypte c’est « Le Courrier d’Égypte » qui voit le jour. « Ce sera le moniteur officiel de la colonie française. On y dira la vérité sur ce qui se passe en Égypte, autant qu’un journal officiel peut dire la vérité », précise Périvier. Un second journal vit aussi le jour : « La Décade égyptienne », imprimé par Marc Aurel, imprimeur de l’armée et c’est Tallien, venu en Égypte, et naguère prote à l’imprimerie du « Moniteur », qui s’en chargea.
Après Brumaire, il n’y aura plus en France qu’un seul journal officiel : « Le Moniteur » auquel celui qui est à présent le Premier Consul, va coordonner. « Son système se résume en quelques mots: après avoir rétabli l’ordre, il a résolu d’imposer le silence. Il se réserve, à lui seul, le droit de parler et d’écrire ». Le 17 janvier 1800, seuls treize journaux ont le droit d’exister, mais sous la surveillance de la police; la situation de la France l’exigeait sans doute, mais cette méthode peut nous paraître choquante. Les journaux venant des pays voisins sont interceptés à la frontière; même chose pour ceux arrivant dans les ports. Fouché, le tout puissant ministre de la Police générale, qui veille au grain, établissant « un cordon sanitaire arrêtant toute feuille suspecte ».
Périvier aborde également la création de la presse clandestine, composée d’ « écrits hostiles, et surtout royalistes, contre le gouvernement ». Toute la période impériale, année par année, est analysée, de 1804 à 1815. « Pendant cent jours, par un coup d’audace inouïe, Napoléon redevient maître de la France et par conséquent de la presse », écrit l’auteur.
La dernière année de l’Empire voit apparaître un certain libéralisme, dans l’esprit de l’Empereur revenu aux affaires. Benjamin Constant est mandé aux Tuileries sitôt l’Aigle revenu à Paris. « Il obéit, non sans crainte. Napoléon le reçoit d’un air riant. C’est à lui qu’il veut parler de liberté et de constitution; c’est à lui qu’il veut s’ouvrir ». L’Empereur évoque la liberté de la presse comme d’un droit fondamental. Les événements de la campagne de Belgique, la défaite des armées françaises lors de la bataille de Mont-St.-Jean, dite « de Waterloo », et la seconde abdication de Napoléon, empêcheront le début de la création d’un empire aux idées libérales.
Une grande étude actualisée reste à réaliser sur les rapports contradictoires, mais riches d’enseignements, entre Napoléon, la presse et les journalistes.
C.B.
A.PERIVIER, « Napoléon journaliste », Plon, 1918, 434 p.