Nous sommes au lendemain de la défaite de Waterloo… Dans cette lettre au roi Joseph, son frère, Napoléon a encore l’espoir de retourner la situation…
Philippeville, 19 juin 1815.
Tout n’est point perdu. Je suppose qu’il me restera, en unissant mes forces, 150,000 hommes. Les fédérés et les gardes nationaux qui ont du cœur me fourniront 100,000 hommes ; les bataillons du dépôt, 50,000. J’aurais donc 300,000 soldats à opposer de suite à l’ennemi. J’attellerai l’artillerie avec des chevaux de luxe ; je lèverai 100,000 conscrits ; je les armerai avec les fusils des royalistes et des mauvaises gardes nationales ; je ferai lever en masse le Dauphiné, le Lyonnais, la Bourgogne, la Lorraine, la Champagne, j’accablerai l’ennemi ; mais il faut qu’on m’aide et qu’on ne m’étourdisse point. Je vais à Laon : j’y trouverai sans doute du monde. Je n’ai point entendu parler de Grouchy ; s’il n’est point pris, comme je le crains, je puis avoir dans trois jours 50,000 hommes. Avec cela j’occuperai l’ennemi, et je donnerai le temps à Paris et à la France de faire leur devoir. Les Autrichiens marchent lentement ; les Prussiens craignent les paysans et n’osent pas trop s’avancer ; tout peut se réparer encore. Écrivez-moi l’effet que cette horrible échauffourée aura produit dans la Chambre. Je crois que les députés se pénétreront que leur devoir, dans cette grande circonstance, est de se réunir à moi pour sauver la France. Préparez-les à me seconder dignement ; surtout du courage et de la fermeté.
(« Lettres inédites de Napoléon 1er (An VIII-1815). Publiés par Léon Lecestre » Plon, 1897, tome II, pp.357-358).