Depuis ma visite de juillet 2010 des salles « Empire » du Musée de l’Armée (Paris), et ma déception quant à leur muséographie, peu de médias, voire aucuns, n’avaient souligné l’absurdité avec laquelle les magnifiques objets historiques qu’elles contiennent sont présentés au public. Aussi, quelle a été ma surprise, quand dans « Le Figaro » de ce jeudi 19 juin 2014, je m’aperçois qu’Adrien Goetz abonde dans ce sens. Son article s’intitule « Jeu de massacre au Musée de l’Armée »; avec en sous-titre : « Si l’exposition « Mousquetaires ! » est une réussite, les chefs-d’œuvre des Invalides sont présentés dans une scénographie ratée ».
C.B.
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« Dans les salles rénovées en 2010- le parcours qui va du XVIIème siècle au Second Empire, avec des morceaux de bravoure, l’Indépendance des États-Unis d’Amérique, la Révolution, Napoléon.-, la déception est grande. Domine une esthétique de salle d’honneur de caserne, avec des sabres alignés dans des vitrines au carré, des espaces fragmentés qui semblent plus conçus par un cuisiniste que par un muséographe, des spots alignés comme à la parade. Perdues au milieu de cette morne plaine, quelques reliques qui pourraient faire rêver : Vizir, le cheval emblématique de l’Empereur, le mocassin indien du vicomte de Noailles… Ces salles autrefois avaient un vrai charme, elles l’ont perdu. Et n’ont guère gagné à se trouver enrichies de ces bornes bien nommées qui racontent sur écran, campagnes et coalitions, jusqu’au désastre de Sedan, pour lequel il ne manque pas un bouton de guêtre.
Le portrait de Napoléon sur le trône impérial peint par Ingres est la plus grande victime de cette mise en scène à la fois ringarde et high-tech. Ce tableau mondialement connu, aux Invalides depuis Louis-Philippe, était jadis au cœur de la salle des Emblèmes, au milieu des étendards des régiments dissous de l’armée française, et cela n’était pas sans grandeur. Aujourd’hui, entouré de vitrines de grand magasin, avec deux spots en pleine figure, sous un plafond trop bas aux poutres badigeonnées, barré d’un large ruban rouge, entre des plots de mise à distance, il n’est plus une œuvre d’art, il est un document . Pire, il a l’air faux. Comme une image de chocolat collée dans un bel album consacré aux grandes batailles du passé.
A côté de lui, un grand collier de la Légion d’honneur, des uniformes portés par Lannes, c’est intéressant, mais c’est Ingres qu’au passage on a assassiné, et Napoléon aussi. Rendre illisible une œuvre majeure, et si célèbre, c’est navrant. Si la Joconde était au Musée de l’armée, l’accrocherait-on au bout du couloir consacré à Marignan ? Pour faire écho à Clémenceau : le Musée de l’armée doit-il vraiment être à nos musées ce que la musique militaire est à la musique et les tribunaux militaires à la justice ? «
Mon reportage de l’époque est en ligne ici : http://lestafette.unblog.fr/2010/07/11/nouvelles-salles-empire-du-musee-de-larmee-paris-quelle-deception/
Et là : http://lestafette.unblog.fr/2010/07/11/musee-de-larmee-paris-quelques-photos-commentees/