Rappelons que cet intéressant personnage, plutôt républicain, à l’origine, dirigeait les mines de l’île d’Elbe depuis 1809. Après l’arrivée de l’Empereur dans l’île d’Elbe, il deviendra progressivement un de ses partisans les plus dévoués et le suivra lors de son retour en France, en 1815. Il a donc eu tout le loisir d’observer l’Empereur dans son royaume elbois.
C.B.
« Aux jours de sa toute-puissance, alors qu’il était le Roi des rois, nul n’était assez haut placé pour pouvoir regarder l’empereur Napoléon en face ; il échappait à toutes les observations. Les louanges avaient cessé d’avoir un caractère de vérité. Il n’en était pas ainsi à l’île d’Elbe. Le prince qui était venu régner sur ce rocher ne portait point l’auréole d’invulnérabilité qui naguère couronnait l’empereur des Français… Cependant Napoléon n’était pas moins grand à Porto-Ferrajo qu’à Paris. Mais le prestige avait cessé : on doutait de l’immensité de son génie, ou du moins on faisait semblant d’en douter. Ce doute flattait les nains de droit divin qui, dans les illusions de leur orgueil, s’imaginaient pouvoir ainsi se rapprocher du géant populaire, à la taille duquel ils n’avaient jamais eu jusqu’alors la pensée de mesurer leur taille. …Il n’y a donc rien d’extraordinaire dans la croyance que l’empereur Napoléon n’a jamais été plus complètement et plus parfaitement examiné qu’à l’île d’Elbe. Ce n’est qu’à l’île d’Elbe en effet que l’on a pu étudier et connaître Napoléon. Soldat, il devait prendre et il prenait toutes les formes que son ambition lui imposait; empereur, il était placé si haut qu’on ne pouvait pas le voir ; à Sainte-Hélène, il posait pour la postérité. Mais à l’île d’Elbe il n’en était pas de même : ce n’était plus Napoléon l’invincible, Napoléon le Roi des rois, Napoléon inabordable;c’était Napoléon vaincu, Napoléon dépossédé, Napoléon populaire. Ce n’était pas Napoléon prisonnier et torturé comme il fut ensuite à Sainte-Hélène. Il n’avait pas cessé de régner. «
Nous n’avons jamais vu un portrait de Napoléon parfaitement ressemblant. Eh bien, on n’avait pas été mieux inspiré dans la peinture de son caractère moral que dans celle de ses traits physiques. «
(André PONS de l’HERAULT, « Souvenirs Anecdotes ». Présenté et annoté par Christophe Bourachot », Les Editeurs Libres, 2005.)