Incroyable est le genre de bruits qui circulent durant le séjour de l’Empereur à l’île d’Elbe ! En voici un exemple à travers ce rapport du consciencieux Beugnot.
Bulletin du 26 septembre 1814. Paris. On répétait aujourd’hui dans Paris que Bonaparte avait enlevé de l’île d’Elbe et conduit à Malte. Il en a été parlé à M. le Duc de Wellington qui a répondu n’avoir reçu aucune nouvelle de ce genre. Je n’y aurais pas moi-même donné plus d’attention qu’à cent autres bruits qui naissent le matin pour mourir le soir, si je ne trouvais la même assertion consignée dans la lettre qui contient ce bulletin de M. le comte de Bouthilliers, préfet du Var. Cependant si un fait de cette importance était exact, je ne puis croire que l’agent secret que j’ai à l’île d Elbe ne se fût pas empressé de m’en donner connaissance. Les bonapartistes se bercent d’une chimère toute contraire. Ils rêvent que les courtoisies que Bonaparte affecte de prodiguer aux Anglais, depuis qu’il n’ose et ne peut plus les accabler d’outrages et de calomnies, n’auraient pas été sans quelque assistance de la part des Anglais pour améliorer son sort et obtenir quelques indemnité territoriale en remplacement de la pension au paiement de laquelle il croit peu. [Le pouvoir royal ne tient pas ses engagements. En effet, l’article 3 du Traité de Fontainebleau prévoyait à Napoléon le versement « d’un revenu annuel de 2 millions de francs en rente sur le Grand Livre de France, dont 1 million réversible à l’Impératrice ». Ni l’Empereur ni aucun membre de sa famille (car une disposition complémentaire prévoyait que ces derniers reçoivent également une compensation financière), ne perçoivent un centime. Louis XVIII ira même plus loin dans la médiocrité de son geste, en décrétant le 18 décembre 1814, sur proposition de ses ministres, la mise sous séquestre de tous les biens de la Famille Impériale].
(Source : Comte Beugnot, « Napoléon et la police sous la première Restauration. D’après les rapports du comte Beugnot au roi Louis XVIII. Annoté par Eugène Welvert », R. Roger et F. Chernoviz, Libraires-Éditeurs, sans date, pp.215-216).