« 27 septembre 1814.- Il m’est pénible d’avoir à opposer au tableau de joie et d’affection que présente la majeure partie de la population, les dispositions vraiment affligeantes et peut-être incurables de l’esprit militaire. Partout, le simple soldat montre un front hargneux et rechigné, partout des mouvements d’humeurs et des signes d’infidélité lui échappent ; on croit lire sur son visage la contrainte qu’il éprouve et le désir qu’il aurait de revenir au culte de Bonaparte. Le temps, une bonne discipline et une bonne composition d’officiers supérieurs, remédieront sans dote, peuà peu, à ces dispositions de l’armée.
Toujours-est il que, dans le département de la Haute-Saône, on voit sur les routes des enfants de dix à quinze ans courir après les voitures qui passent et crier : « Vive l’empereur Napoléon ! » Ce sont pourtant des conscrits que Bonaparte aurait dévorés dans trois ou quatre ans ! D’où vient donc cette frénésie ? Il est probable, au surplus, que la plupart de ces cris s’adressent à des hommes qu’on prend pour des officiers ».
(Georges Firmin-Didot, « Royauté ou Empire. La France en 1814. D’après les rapports inédits du comte Anglès », Maison Didot, Firmin-Didot et Cie Éditeurs, s.d. [1897], pp.134-135)