« Ardennes, Préfet, 16 novembre 1814. La fable d’une conjuration qui aurait éclaté à Paris s’est rapidement propagée dans le département des Ardennes comme dans plusieurs autres, et parcourra toute la France, sur la foi de quelques lettres parties de la capitale. C’est l’arrestation momentanée du général Dufour pour son projet de passer en Amérique qui a servi de texte à tous les commentaires. Chacun a dénaturé cette affaire et lui a donné pour complices, arrêtés avec lui, plusieurs généraux et des membres marquants du dernier gouvernement. Le bruit qui a transpiré que des insinuations avaient été faites à quelques-uns des anciens ministres de s’éloigner de Paris, a été pris comme un ordre d’exil et une preuve de plus du complot découvert. On a attribué ces insinuations à des correspondances saisies avec l’Ile d’Elbe… Le même préfet m’annonce que d’autres nouvelles circulent aussi, mais plus sourdement. Il est question, parmi les militaires surtout, d’une armée qui se formerait vers nos frontières et qu’on prétendrait destinée à appeler l’archiduchesse Marie-Louise à la tète du gouvernement sous le titre de régente. « Ces bruits (dit-il) produisent une certaine fermentation dans los campagnes et dans les villes de garnison. Il a pris des mesures pour en découvrir les sources. Je le charge de ne rien négliger pour y parvenir. Je lui indique, ainsi qu’aux autres préfets qui sont dans la même position, quelques dispositions propres à arrêter la contagion et le progrès de ces fausses nouvelles; je l’engage à surveiller avec soin ceux qui les propagent avec affectation, et à leur faire des admonitions qui, on leur montrant que l’autorité a les yeux ouverts sur eux et qu’elle peut les atteindre, contribueront à les rendre plus réservés et plus circonspects.
(« Napoléon et la police sous la première Restauration. D’après les rapports du comte Beugnot au roi Louis XVIII. Annotés par Eugène Welvert » R. Roger & F. Chernoviz, Libraires-Éditeurs, s.d . pp.272-273).