Bulletin du 18 novembre 1814.
Extrait d’une lettre du préfet de l’Ain. Bourg, 3 novembre 1814 :
« S’il était vrai que Joseph Bonaparte fût aussi innocent d’intrigues qu’il s’efforce de le paraître, il faudrait en conclure qu’il joue bien de malheur; car depuis son retour dans notre voisinage, les méchants propos, les absurdes bruits qui semblaient avoir cessé recommencent, et semblent de retour avec lui. Voici ceux qu’on fait courir le plus : la guerre ! Bonaparte insurgeant l’Italie ! Bonaparte en Belgique à la tète d’une armée anglaise et autrichienne ! Toutes ces extravagances, après tout, meurent aussitôt, et bien peu de personnes s’en inquiètent. »
« Paris,- Sous le rapport politique, Paris n’offre rien d’extraordinaire ni d’alarmant. Des propos, des plaintes, des craintes de guerre, des rapprochements de quelques généraux que j’ai déjà indiqués au Roi et que je fais surveiller; mais aucun indice réel de plan, de projets concertés. Chaque jour, plusieurs conjurations sont dénoncées par les polices sans nombre dont les agents se croisent, se rencontrent et se font de feintes ouvertures qu’ils vont ensuite répéter comme des découvertes et des révélations. Mais lu quantité même de ces conjurations en démontre la fausseté, puisque, si l’on admettait qu’il en existât une véritable, les lignes qu’on apercevrait devraient toutes conduire à une source commune, à un point central et c’est ce point qu’on n’indique jamais; ou plutôt chacun de ces agents le place où il lui plaît, au gré de sa fantaisie et de ses ressentiments, en variant et les noms et les combinaisons et les époques; preuve qu’au lieu de présenter des faits, on crée des rêves. Aussi, malgré tant de malheurs prédits en vain, malgré tant de conjectures heureusement démenties, malgré tant d’alarmes inspirées par des hommes qui ne méritent pas la plus légère confiance, la tranquillité règne dans Paris, l’horizon politique y est à peu près le même; les fonds baissent peu; ils ont été aujourd’hui à 71 fr. 70. Et cependant les bruits de guerre commencent à s’accréditer, d’après les mesures qu’on sait être ordonnées pour le complément des corps. »
(« Napoléon et la police sous la première Restauration. D’après les rapports du comte Beugnot au roi Louis XVIII. Annotés par Eugène Welvert » R. Roger & F. Chernoviz, Libraires-Editeurs, s.d . , pp.271-272)