Napoléon avait débarqué au golfe Juan, le 1er mars, à 4 heures de l’après-midi, et la nouvelle de son arrivée s’était déjà répandue, dans la soirée, à Grasse, à cinq lieues de là. Dès 9 heures, le général Gazan, qui vivait en retraite à Grasse, mandait l’événement au ministre de la guerre Soult, et un courrier portait à Toulon la lettre de Gazan qui était ainsi conçue.
Arthur CHUQUET.
Grasse, le 1er mars 1815.
Monseigneur, j’apprends à l’instant, 9 heures du soir, qu’il y a eu, cet après-midi, au golfe Juan, commune de Vallauris, un débarquement de troupes venant de l’île d’Elbe, qu’un détachement de ces mêmes troupes est entré à Antibes où il a été arrêté, désarmé et mis en prison, que la garnison bivouaque sur les remparts que l’on a immédiatement armés et qu’il est question de proclamations de l’ex-empereur. Les troupes débarquées occupent les communes de Cannes, du Cannet et de Vallauris. Quoique je sois sans troupes et simple particulier, j’ai cependant cru devoir donner cet avis à Votre Excellence, et je vous prie d’assurer Sa Majesté qu’elle peut compter sur ma fidélité, et que, si je trouve le moyen de la servir en cette occasion, je le saisirai avec empressement. J’envoie un courrier à Toulon pour faire parvenir ma lettre, la route de Nice se trouvant arrêtée. L’on porte à 2.000 hommes le nombre des troupes qui sont débarquées et l’on dit que Bonaparte y est.
Recevez, Monseigneur, l’assurance de mon respect avec lequel j’ai l’honneur de vous saluer.
Le lieutenant général des armées du Roi,
J. GAZAN
(Arthur CHUQUET, « Lettres de 1815. Première série [seule série parue] », Librairie Ancienne, Honoré Champion, Editeur, 1911, pp.4-5).