Écoutons une ultime fois l’adjudant-major Etienne LABORDE, qui a suivi l’Empereur de l’île d’Elbe à Paris: « La Garde couche le 20 mars à Villejuif, et fit son entrée dans Paris, accompagnée d’une nombreuse population, le 21, à onze heures du matin. Ce même jour, l’Empereur passa la revue de toutes les troupes qui étaient à Paris, et après qu’elles furent rangées en bataillon carré, il leur dit :
« Soldats,
« Je suis venu en France avec six cents hommes, parce que je comptais sur l’amour du peuple et le souvenir des vieux soldats. Je n’ai pas été trompé dans mon attente. Soldats, je vous en remercie : la gloire de ce que nous venons de faire est toute au peuple et à vous ; la mienne se réduit à vous avoir connus et appréciés. »
Ce discours fut accueilli par les acclamations du peuple et de l’armée.
Un instant après, le général Cambronne et les officiers du bataillon de la Garde de l’île d’Elbe parurent avec les anciennes aigles de la Garde, qui avaient été conservées et cachées durant notre absence par un de leurs chefs les plus distingués, le général Friant.
L’Empereur repris la parole et dit :
« Voici les officiers du bataillon qui m’a accompagné dans mon malheur, ils sont tous mes amis ; ils étaient chers à mon cœur. Toutes les fois que je les voyais, ils me représentaient les divers régiments de l’armée, car dans ces six cents braves, il y a des hommes de tous les régiments. Tous me rappelaient ces grandes journées, car tous sont couverts d’honorables cicatrices reçues à nos batailles mémorables. En les aimant, c’était vous tous, soldats, que j’aimais ; ils vous rapportent ces aigles de l’armée française : qu’elles vous servent de point de ralliement. En les donnant à la Garde, je les donne à toute l’armée. Jurez qu’elles se trouveront toujours partout où l’intérêt de la Patrie les appellera. Que les traîtres et ceux qui voudraient envahir notre territoire ne puissent jamais en soutenir le regard ! »
« Nous le jurons ! » s’écrièrent avec enthousiasme tous les soldats.
Et les troupes défilèrent aux cris mille fois répétés de « Vive l’Empereur ! ».
Redoutant de laisser à mon indignation le douloureux devoir de flétrir les lâches qui, sortis de nos rangs, devinrent transfuges et traîtres à la Patrie, et ne voulant pas évoquer l’ombre de leurs glorieuses victimes, que la mort frappa sur les champs de Waterloo, ici, je termine ma tâche. »