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En France, après le retour de Napoléon…

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« L’Empire était rétabli. Cet événement entrainerait-il nécessairement la guerre avec l’Europe, n’impliquait-il point, au contraire, la certitude d’une ère pacifique ? C’est sur ce problème que s’exerçaient, au lendemain du 20 mars, les imaginations des Français. Dans la masse de la population parisienne la confiance dans l’Autriche et même dans l’Angleterre se manifestait chanter à l’office Domine, salvum fac Regem, 300 manifestants bonapartistes, excités par la nouvelle du 20 mars, abîment les fenêtres du curé aux cris de « A bas la calotte ! » A Moulins, aigles et drapeaux tricolores ont reparu aux cris « réitérés » de « Vive l’Empereur ! » « le peuple a forcé le préfet de lire lui-même les proclamations de l’Empereur on lui a placé une grande cocarde à son chapeau et on l’a promené dans la ville, avec le drapeau national ». Le 23 mars 1815, à Bar-le-Duc et dans les localités environnantes, la population, « malgré des torrents de pluie », se répand dans les rues et sur les places, elle crie « Vive l’Empereur ! », allume des feux de joie, tire des coups de canon, brûle des pétards. A Rennes le peuple illumine pendant plusieurs jours. A Strasbourg retentissent les cris de « Vive Napoléon ! Vive le Père La Violette ! A bas la calotte ! » A Metz, le peuple et les soldats s’ameutent contre le maréchal Oudinot, et le 24 mars, tandis que le drapeau tricolore, salué avec allégresse, brille sur la cathédrale, le maréchal, renonçant à défendre la cause du Roi, s’apprête à quitter la ville avec sa femme. A Orléans le général Dupont, qui commandait un corps d’environ 12.000 hommes, laisse ses soldats, le 21 mars, arborer la cocarde tricolore, mais le soir même le maréchal de Gouvion Saint-Cyr, nommé à sa place, blâme Dupont avec virulence, fait garder à vue le général Pajol et reprendre aux troupes la cocarde blanche. Peine perdue : le 23 mars les soldats se mutinent, portent à nouveau la cocarde tricolore, réclament qu’on les conduise à Paris, et même un régiment de dragons se met en route pour la capitale. Menacé d’être arrêté, Gouvion Saint-Cyr se déguise et s’échappe en barque sur la Loire. A Valenciennes, les 23 et 24 mars, soldats et officiers fêtèrent Napoléon par des libations répétées, brisèrent les enseignes décorées d’emblèmes monarchiques, brûlèrent des drapeaux blancs, crièrent « Vive l’Empereur ! A bas les royalistes ! », forcèrent même des passants à crier « Vive l’Empereur ! » A peine le 20 mars est-il connu qu’au Puy deux officiers sont assaillis par « une multitude de misérables en haillons », qui, en criant « Vive l’Empereur ! A bas la cocarde blanche ! », s’emparent de leurs shakos pour les dépouiller de la cocarde détestée. A Cahors, le 28 mars, soldats et gendarmes, aux cris de « Vive l’Empereur ! » , arborent les premiers le drapeau tricolore. Les populations rurales du Puy-de-Dôme « se réjouissent de n’être plus sous la dépendance des nobles qui commençaient déjà à les regarder comme leurs vassaux ». De Clermont- Ferrand à Brioude des feux de joie sont allumés « sur les hauteurs ». Les paysans de la Creuse illuminent, font des feux de joie.

Dans le Cantal « cette révolution terminée sans désordres et sans violence contente le plus grand nombre et tend à obtenir successivement l’assentiment du reste »! Dans le Doubs, dans la Haute-Marne, dans la Meurtrie, le dévouement à l’Empereur, l’enthousiasme, l’ivresse même éclatent avec force. Partout dans l’Est ce sont feux de joie et coups de fusil en l’honneur de Napoléon’. Autour de Nancy, dès que les laboureurs aperçoivent « une voiture sur la route », ils crient « Vive l’Empereur ! » Mêmes témoignages naïfs de contentement dans l’Yonne. Le 26 mars 1815, jour de Pâques, les habitants de Villevallier, près Joigny, demandent au curé de chanter après vêpres un Te Deum solennel, et la cérémonie se déroule « avec le recueillement religieux et l’enthousiasme de tous les assistants ». Le maire de Villeneuve-la-Guyard, près de Pont-sur-Yonne, écrit à Napoléon, le 31 mars:«Napoléon est à nous, nous sommes à Napoléon, il fera notre bonheur, et nous travaillerons à assurer le sien ». Aux cultivateurs du Tarn le triomphe de Napoléon parait être « un bienfait du Ciel qui les a sauvés de l’oppression dont ils étaient menacés » Empereur des soldats, des paysans, des ouvriers, Napoléon est exalté par le clergé constitutionnel, qui voyait dans le 20 mars une pleine revanche sur la Restauration. L’archevêque de Besançon Le Coz salue le nouveau souverain en termes dithyrambiques. « Vous êtes vraiment un homme prodigieux… Certes, un ange du Seigneur vous couvre de son immortelle égide », lui écrivait-il le 25 mars, et il lui promettait en même temps qu’un jour viendrait où tous les Français, répétant les louanges décernées à César par Cicéron, le jugeraient « semblable à la Divinité même… simillimum Deo » Et  aussitôt, par une circulaire adressée aux curés de son diocèse, Le Coz donna libre carrière à sa ferveur adulatrice : comme toutes les puissances, celle de Napoléon venait de Dieu ; la respecter était un devoir de la religion; aux grand’messes des dimanches et fêtes, et lors des bénédictions habituelles du Saint-Sacrement, les prêtres prieront solennellement pour l’Empereur . A Cosne le curé Leblanc célébra « Napoléon le Grand » le 26 mars, jour de Pâques, et fit imprimer sa harangue : selon cet ex-deuxième vicaire de l’évêque constitutionnel de la Nièvre, Louis XVIII n’avait dû sa courte restauration qu’aux armées étrangères et à la trahison; il était « repoussé par l’opinion publique »; Napoléon avait été donné, puis ramené à la France par le Très-Haut; il avait «rétabli la religion, rappelé ses ministres », doté la France d’une gloire immense, de lois excellentes, de « monuments » et d’ «établissements admirables ». Les prêtres constitutionnels des cantons de Thann, Saint-Amarin et Massevaux disaient dans une adresse à l’Empereur : « Vos ennemis sont les nôtres; les prêtres constitutionnels furent de tout temps un objet de haine à la caste nobiliaire. Mettez en vigueur les libertés de l’Eglise gallicane, ce boulevard contre l’ultramontanisme et ce palladium du trône. »

(Emile LE GALLO, « Les Cent-Jours. Essai sur l’histoire intérieure de la France  depuis le retour de l’île d’Elbe jusqu’à la nouvelle de Waterloo », Librairie Félix Alcan, 1923, pp.130-134).

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