Accueil HORS-SERIE De BEAUMONT à PHILIPPEVILLE. NAPOLEON en JUIN 1815 (3ème partie et dernière).

De BEAUMONT à PHILIPPEVILLE. NAPOLEON en JUIN 1815 (3ème partie et dernière).

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Ce fut dans une clairière du Bois de Bossu que l’Empereur mit pied à terre et qu’en ce lieu se joua une scène digne de Shakespeare ; elle a été racontée par le commandant de Brack dans les précieux « Carnets de la Sabretache ».  Napoléon ayant vu quelques restes d’escadrons conservant une attitude militaire, se dirigea vers eux. Ils étaient là et au premier rang, Colbert, Lallemand, Lefebvre-desnouettes, les plus fidèles. Sous les rayons de la lune, ils frémissaient de voir l’Empereur s’approcher d’eux. 

-Qui êtes-vous, demanda l’Empereur ? – Les lanciers de la Garde, répondit Colbert.-Ah oui, les lanciers de la Garde ! Et où est Piré ?- Sire, nous n’en savons rien.-Comment ? Et le 6ème de lanciers ?-Sire, nous l’ignorons, il n’était pas avec nous.-C’est juste…. Mais Piré ?- Nous l’ignorons complètement. –Mais qui êtes-vous, vous ?-Sire, je suis Colbert et voici les lanciers de votre Garde. -Ah oui… Et le 6ème de lanciers ?… Et Piré ?…Piré ? 

Si Piré avait été là, peut-être aurait-on arrêté la panique, l’affreuse déroute ; cette dernière illusion est perdue, comme celle, de l’après-midi, de voir arriver un autre général de cavalerie, le marquis de Grouchy. Ainsi le sort aura voulu que le même jour, deux représentants de l’ancienne noblesse ralliée à l’Empire, manquent le rendez-vous suprême ! La cavalerie de Röder qui poursuivait, venait d’atteindre Frasnes lorsque Gneisenau jugeant la victoire décisive et certaine la mit hors combat de l’armée française, ordonna de s’arrêter. On était arrivé devant une auberge portant l’enseigne ironique de « A l’Empereur ». La boucherie se terminait. Mais la déroute, elle, continuait et détruisait successivement toutes velléités de résistance. A Charleroi Napoléon assista à des scènes de pillages, chacun remplissant ses poches ; enfilant au bout de sa baïonnette un pain, une saucisse ; enfonçant les tonneaux de vin.  Le trésor de l’Empereur n’échappa pas davantage à ces vols que l’approche de l’armée ennemie paraissait  justifier sous prétexte de ne rien laisser au vainqueur.

Un officier hollandais prisonnier, profita de l’occasion pour s’emparer de documents provenant du Portefeuille de Napoléon, il les publia par la suite. 

L’Empereur continua sa retraite vers Marchiennes et atteignit Philippeville vers dix heures du matin. Les portes de la ville étaient fermées et Napoléon eut difficile à se les faire ouvrir, tant son équipage était modeste et l’épouvante de la garnison à son comble. C’est là qu’il retrouva d’autres rescapés de la déroute : Maret, Reille, Fleury de Chaboulon. C’est de là qu’il expédia les dépêches  urgentes visant à armer la France devant l’invasion qui venait. Ce sont les rappels des chefs des corps d’observations du Rhin, de l’Ouest et du Jura, qui, avec leurs  troupes viendront sous Paris. Ce sont aussi des instructions aux gouverneurs des places fortes pour se préparer à recevoir l’ennemi. Parmi eux, il y a le gouverneur de Beaumont, la petite ville que l‘on avait quittée plein d’espoirs quelques jours plus tôt. Il y a également les lettres pour Paris où va se jouer le grand drame après la tragédie de Waterloo. Malgré son épuisement physique, déjà il veut redresser les énergies et il s’écrie en s’adressant à Joseph, le frère qui le représente dans la capitale : « Tout n’est pas perdu, je suppose qu’il me restera en réunissant mes forces 150.000 hommes… » et il continue, dressant un plan, poursuivant de nouvelles chimères.

Mais il n’importe  plus de plaider, la cause est entendue et le jugement est tombé comme un couperet dans la plaine brabançonne de Waterloo. A Paris, peut-être quelques bonnes paroles galvaniseraient encore le moral français, mais dans la capitale française les avocats attendent « le tyran » et sont bien décidés à s’en débarrasser. Napoléon remonte en calèche et prend la route de Paris, mais comme il craint les Prussiens, il part par le chemin de Marienbourg. Au soleil couchant, il s’arrête en vue de Rocroi.

On était le 19 juin au soir et Napoléon allait voir pour la dernière fois des Belges. « Les habitants ne savaient rien de la grande défaite, rapporte Henry Houssaye ; il se portèrent en foule sur les remparts avec l’espérance d’apercevoir l’Empereur. Leurs acclamations le réveillèrent au fond de sa calèche. Il put avoir un moment l’illusion tant les événements avaient été rapides qu’il sortait d’un mauvais rêve. » C’était fini, la dernière apparition de Napoléon en Belgique se terminait par cette vision de la petite calèche fuyant vers Rocroi, emportant un gros homme épuisé et ruiné. Où était la vision du « Corse aux cheveux plats » ? Celle du Consul au profil de médaille ? Celle de l’Empereur heureux des années 1810-1811 ? La Belgique comme une tunique de Nessus a tout consumé.  Pourtant, tant, mieux qu’au sir de Pavie, il peut murmurer, le gros homme écroulé dans sa calèche. « -Tout est perdu sauf l’honneur », car celui-là je l’abandonne aux poètes, aux artistes !  

Dans leurs mains il est devenu la plus belle légende dorée du XIXème siècle. 

Robert MERGET. 

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