Gouvernement général.
Parme, le 28 avril 1806.
LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DES ETATS DE PARME, PLAISANCE ET GUASTALLA A SA MAJESTÉ IMPÉRIALE ET ROYALE.
Sire,
C’est avec la plus grande confiance que je prends la liberté d’écrire cette lettre à Votre Majesté, persuadé de la générosité de son coeur, de sa justice et enhardi par les bontés dont Elle m’a comblé jusqu’ici. Lorsque Votre Majesté me nomma ambassadeur à Lisbonne, je m’empressai d’obéir à ses ordres et je partis de Paris emmenant avec moi ma femme, mes enfants, ma maison. Je dus faire le voyage par terre et il est long, puisque, parti de Paris le lundi gras, je n’arrivai à Lisbonne que le jour de Pâques. Les dépenses de ce voyage, seulement pour frais de poste en France et de transport en Espagne et en Portugal, se sont élevées à plus de 60,000 francs. Mon établissement à Lisbonne m’a coûté de 50 à 60,000 francs, puisque j’ai dû acheter jusque aux matelas de lits, jusqu’à une chaise. Mon retour et celui de ma maison m’a coûté au moins 60,000 francs et l’on peut estimer à 20,000 francs au moins les pertes que je suis obligé de faire sur la vente des effets que j’ai achetés et des réparations que j’ai dû faire pour mon logement.
Voilà donc, Sire, 200,000 francs que j’ai dû dépenser (et que je dois effectivement à Lisbonne et à Paris) pour mon ambassade. La première année d’une ambassade est toujours onéreuse et il est bien prouvé qu’on ne peut pas vivre à Lisbonne avec les appointements qu’on y a. Je ne réclame pas de Votre Majesté qu’Elle m’accorde tout ce que j’ai dépensé, mais, Sire, que le Ministre des Affaires étrangères vienne à mon secours comme il est d’usage de le faire :
Que les trois mois que l’on paye d’avance ordinairement me soient alloués en gratification ;
Que le Ministre me fasse payer incessamment les états des frais extraordinaires qu’il a entre les mains;
Que mon retour me soit payé conformément aux règlements;
Et que, pour m’indemniser des pertes et des dépenses extraordinaires qu’ont occasionnées mes voyages et mon établissement, le Ministre me paye la somme qu’il plaira à Votre Majesté de déterminer.
Pour mettre en ordre toutes mes affaires qui sont si dérangées, je supplie Votre Majesté Impériale de m’accorder une permission de quelques jours pour aller à Paris. L’état où sont maintenant les duchés de Parme et de Plaisance peut bien me permettre une courte absence.Je serai toujours prêt à y revenir ou à. aller partout où le service de Votre Majesté m’appellera. D’ici à la réponse de Votre Majesté, j’aurai parcouru les montagnes ou les chemins, préparé des rapports détaillés et je serai à même de Lui donner de vive voix les renseignements qu’Elle pourrait demander après avoir mis à ses pieds l’hommage de mon dévouement sans bornes et de mon-profond respect.
De Votre Majesté Impériale et Royale,
Sire, le très humble serviteur et sujet,
JUNOT.
(Lettre publiée dans « Le Carnet Historique & Littéraire » en 1899).