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En Allemagne, en septembre et octobre 1813…

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Frédéric-Auguste Cramer (1795-1865) est un genevois qui participe à la campagne de 1813 dans les rangs du 4ème régiment des Gardes d’honneur. 

14 septembre [1813]. Beresdorf.- Nous avons passé six jours à une dizaine de lieues de Dresde, à l’entrée des défilés, et nous avons souffert de la pluie et de la faim. Beaucoup de villages sont déserts ; on est réduit, pour la viande, à quelques vaches maraudées, et les distributions de pain diminuent. Le déluge ne nous a pas quitté et nous étions comme dans des marais parsemés de grands bois. La compagnie a eu, depuis trois ou quatre jours, vingt-cinq malades que l’on s’occupe à envoyer au petit dépôt de Torgau. L’Empereur nous a passés encore une fois en revue avec d’autres corps près de Pirna, et depuis lors nos escadrons sont incorporés à la cavalerie de la Vieille Garde, c’est-à-dire que ceux du 1er  régiment marchent avec les grenadiers, ceux du 2ème avec les dragons, ceux du 3ème avec les chasseurs, ceux du 4ème avec les lanciers polonais. Nous voyons souvent l’Empereur. L’autre soir, par un magnifique soleil couchant, après toute une journée de pluie, il était debout au pied d’une colline ; sa présence semblait ramener le beau temps, et devant lui défilaient des troupes en marche pour ces vilaines montagnes de Bohême qui bordent l’horizon ; les armes étincelaient ; il arrêtait en souriant des officiers, des soldats ; c’était un père au milieu de ses enfants. Mais les bivouacs commencent à être durs…

Oschatz, 8 octobre.- ne vous effrayez pas tant, ma bonne mère ; vous parlez de la bataille de Dresde comme si nous y avions assisté. Et cependant je vous écris que l’on ménage beaucoup la Garde Impériale. Nous n’avons figuré que dans une ou deux petites affaires de tirailleurs, avec les lanciers polonais, nous avons fait quelques prisonniers. Notre compagnie est très réduite en nombre par les maladies des hommes et des chevaux, car elle ne compte plus que cinquante-trois gardes présents et dis instructeurs ; il y a beaucoup de dysenteries, mais les gens du Léman tiennent bien, et je me suis toujours bien porté. Je voudrais qu’il en fût de même de mon cheval, et je me donne beaucoup de peine pour le nourrir ; j’achète souvent des rations pour lui faire plaisir, mais il est blessé sur le dos et il faut le laisser sans pansage. B. a été blessé à la joue dans un fourrage soi-disant d’un coup de pointe ; mais le major a dit que c’était quelque coup de force d’un paysan et l’a sermonné devant toute la compagnie. Le traître Moreau est mort de la blessure qu’il a reçue le 27 août. Bernadotte a passé l’Elbe et cherche à nous couper ; espérons qu’il aura bientôt le sort de Moreau. Je vois quelquefois le colonel Pictet, parce que le corps de la Garde sont rapprochés les uns des autres ; il a beaucoup de bonté pour Saladin, De Sonnaz et moi, et toujours un verre de rhum et un morceau de pain quand on va le voir.

Adieu, bons parents, buvez à ma santé ; je ne me doutais pas, l’année dernière, que je célébrerai ici mon anniversaire.

(« Souvenirs d’un Garde d’honneur », dans « Soldats Suisses au Service Étranger », Genève, A. Jullien, Éditeur, 1908, pp.224-225).

 

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