On sait que la Grande-Armée comprenait un grand nombre de soldats originaires de pays vassaux ou alliés de la France ; beaucoup d’entre eux avaient une grande fidélité envers la France, comme le montre cette lettre écrite de Moscou par un officier bavarois, le baron von Mannlich.
M.C.
L’Empereur logeait dans le château impérial [le Palais du Kremlin], qui situé au centre de la ville, est très beau, mais, entouré de fossés et d’un haut mur, ressemble à une petite forteresse. Par ordre de l’Empereur régnaient dans la ville l’ordre et le calme les plus grands. Mais la nuit, tut à coup, tous les environs du château prirent feu et l’Empereur put tout juste s’échapper par un simple sentier. On s’occupa à éteindre l’incendie, mais, à peine le feu était-il éteint en un point, qu’il prenait à dix autres. On arrêta 13 incendiaires, munis de souffres ou de brandons d’autre sorte et parmi lesquels se trouvaient trois colonels russes ; ils furent tous pendus dans le rue de Petersbourg, avec, épinglées sur la poitrine, des pancartes en russe et en français. Lorsqu’on eut pris une vue claire de toute cette situation, l’Empereur ordonna de mettre la ville à sac pour éviter que les vivres encore existants ne devinrent la proie des flammes. Cela dura trois jours ; puis l’Empereur revint au château qui avait été épargné et, ce même jour, j’arrivai en ces lieux et eux l’occasion de faire l’emplette, sans que cela ne fut trop cher, de plusieurs denrées alimentaires, telles que café, sucre, farine, etc. Aussi ai-je acheté à très bon prix une somptueuse garniture et un très grand manteau de queues de zibeline pour ma sœur, ainsi que de très belles cartes de Russie et de Prusse… Cependant on parle, encore que ce soit de façon, bien confuse, d’une deuxième campagne, pour le printemps prochain vers Petersbourg et c’est toujours ce qui m’empêche de demander l’autorisation de revenir vers vous, parce que j’ai toujours l’espoir d’être, d’ici le printemps prochain, de nouveau sur pied, et bien que mon régiment n’existe plus et que les quelques hommes qui en restent aient rejoint un autre régiment, j’espère cependant bien ne pas abandonner mes camarades dans une deuxième campagne.
(Source : M. Chaulanges : »Textes historiques. 1799-1815. L’Epopée de Napoléon », Delagrave, 1960).