Accueil TEMOIGNAGES Les ALLIES à PARIS en 1814, d’après les « SOUVENIRS » d’Emma CUST (1ère partie).

Les ALLIES à PARIS en 1814, d’après les « SOUVENIRS » d’Emma CUST (1ère partie).

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Emma Cust, plus tard comtesse Brownlow, était la nièce de lord Castlereagh qui dirigeait le cabinet de Saint-James. Elle suivit son oncle et sa tante sur le contient au mois de janvier 1814 et, tandis que le ministre se rendait au Congrès de Châtillon, elle resta à La Haye où elle vit les fêtes données à la dynastie restaurée d’Orange. Du 18 avril au 30 mai 1814 elle habita Paris. Nous traduisons les pages qu’elles a consacrées à ce séjour dans son petit livre « Slight Reminiscences of a Septuagenerian » (Londres, 1867, pp.75-103). On y trouve, avec nombre de légères inexactitudes, sinon des observations profondes, du moins de piquants détails et d’intéressants portraits. 

Arthur CHUQUET 

Le soir du 18 avril 1814, nous arrivâmes à Paris et nous ne pensâmes plus à notre fatigue en retrouvant lord Castlereagh. Il était installé dans l’hôtel du Ministre des Finances, rue Neuve des Capucines [actuelle rue des Capucines, Paris 1er et 2ème arrondissements], à peu de distance des Tuileries et des boulevards. Peu de jours après, l’empereur Alexandre honora Lady Castlereagh de sa visite. Il parla de sa marche sur Paris et des motifs qui leur avaient fait prendre cette mesure hardi, malgré les craintes de plusieurs de ses généraux. Ce sujet l’amena à disserter sur les différentes sortes de courage, le courage moral et le courage physique, ce qu’il fit d’une façon un peu pédantesque, évidemment dans l’intention de nous convaincre qu’il possédait l’un et l’autre. Il était très poli et courtois, et un bel homme, au teint clair, mais sans beauté réelle dans les traits. Il avait peu de grâce et d’aisance dans ses mouvements parce que, je crois, son uniforme, rembourré sur la poitrine et les épaules, était si serré à la taille et aux aisselles qu’il ne pouvait se tenir droit et que ses bras qui pendaient de tout  leur long, ne touchaient pas son corps. Le Roi de Prusse me plus davantage. Il n’était pas si joli, ni si raffiné de manières que le brillant empereur, mais il avait une belle tournure militaire et un calme et une ombre de mélancolie dans l’attitude, une simplicité et une bonhomie dans les façons, qui m’intéressèrent vivement. Ses deux fils et son neveu étaient des jeunes gens aimables et très gais ; je les vis pour la première fois à un bal donné par la maréchale Ney à l’Empereur de Russie.  Bonaparte était encore à Fontainebleau quand nous arrivâmes à Paris et lors Castlereagh reçut chaque jour un rapport de sir Neil Campbell [le commissaire britannique chargé de surveiller le souverain déchu] sur sa conduite et à Fontainebleau et durant le voyage de Fontainebleau à Cannes [Saint-Raphaël]. Tout son courage, tout son nerf semblait l’avoir abandonné, au point qu’en un endroit où il crut que les habitants étaient royalistes, il chevaucha réellement comme courrier en avant de sa propre voiture, avec la cocarde blanche et le chapeau rond de la livrée Un matin nous nous fîmes conduire à Montmartre et à Belleville où avait lieu la dernière lutte acharnée avant l’entrée des Alliés à Paris. Le jour était brillant, et l’air, clair et pur ; mais pendant notre promenade, les morts enterrés tout autour de nous et même sous nos pieds répandaient une affreuse odeur. Quel étrange peuple que les Français ! Une maison assez éloignée du champ de bataille pour qu’on y fût en sûreté, portait encore cette affiche : « Ici, on voit la bataille pour deux sous ». Si Londres avait été assiégé, un Anglais aurait-il pensé à gagner un penny par ce moyen ? 

A suivre… 

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