Accueil TEMOIGNAGES Les ALLIES à PARIS en 1814, d’après les « SOUVENIRS» d’Emma CUST (4ème et dernière partie).

Les ALLIES à PARIS en 1814, d’après les « SOUVENIRS» d’Emma CUST (4ème et dernière partie).

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Portrait du duc de Wellington.

A cette époque vivait tranquillement, dans sa villa favorite de la Malmaison [l’auteur veut parler du château de Malmaison], Joséphine, autrefois madame de Beauharnais, ensuite femme du général Bonaparte, Premier Consul, avec qui elle fut couronnée pour devenir la première impératrice des Français. Or, y avait-il un objet de plus grand intérêt que la femme répudiée et l’impératrice déposée ? Elle envoya un message à Lady Castlereagh pour lui demander de venir la voir et de m’amener, car, chose curieuse, ma mère, avant de se marier, avait été  très liée avec madame de Beauharnais lorsque toutes deux étaient pensionnaires au couvent de Pentemont. J’avais souvent entendu ma mère parler d’elle en bon termes et j’attendais avec intérêt cette entrevue que divers engagements nous obligèrent de différer d’une semaine.

Enfin, un jour, Lady Castlereagh, Lord Lucan, ses trois filles et moi, nous partîmes pour la Malmaison afin de présenter nos hommages à l’Impératrice. Mais, en arrivant à la loge du concierge, nous apprîmes qu’elle était morte le matin même [Le 29 mai 1814] après n’avoir été malade que deux jours, et il est impossible d’exprimer notre émotion. L’Empereur de Russie était venu la voir la veille ; elle avait un mal de gorge ou une esquinancie, et il lui envoya son docteur ; mais rien ne pouvait la sauver. C’était une femme aimable et très aimée, et elle est sincèrement regrettée. 

Peu de jours après la mort la mort de l’Impératrice, Lady Castlereagh et moi, nous allâmes chez madame la maréchale Ney. En entrant, nous fûmes effrayés de la trouver assise sur un canapé, dans un enfoncement, à l’extrémité de la pièce, devant une table où il y avait un flacon et un mouchoir de poche ; elle versait des flots de larmes ! Nous fûmes très embarrassées et nous avions envie de battre en retraite ; mais madame la maréchale ne parut pas ennuyée le moins du monde ; elle nous dit que son chagrin était causé par la perte de Joséphine qui l’avait élevée et à laquelle elle était très attachée. Le chagrin était tout naturel, mais non, pour nos idées anglaises, cet appareil quelque peu théâtral de douleur devant deux personnes presque étrangères.

Et pourtant je crois que la pauvre femme était réellement malheureuse.

On ne sait pas généralement que madame Ney était la fille de madame Auguié, une des femmes de Marie-Antoinette, qui, par sa décision dans l’affreuse nuit du 6 octobre 1789, sauva la vie de la Reine à Versailles.

Sa Majesté, épuisée par la terreur et la fatigue, s’était jetée sur son lit ; ses femmes restaient à sa porte. Madame Auguié, en entendant de grands cris et des coups de fusils, courut à la porte extérieure de l’appartement. Elle y trouva M. de Miomandre, un des gardes du corps, qui défendait la porte contre la fureur de la foule et qui dit :  »Sauvez la Reine !  » Elle ferma et verrouilla la porte, et revint auprès de la reine qu’elle entraîna dans la chambre du Roi. Sa sœur, madame Campan, l’assistait dans cette tâche, et toute deux restèrent avec la Reine jusqu’à ce qu’elle fût enfermée au Temple. 

Nous passâmes plusieurs matinées délicieuses à visiter les endroits intéressants des environs de Paris ; parmi eux, Versailles et Saint-Cloud tenaient, grâce à leurs souvenirs, la première place. La magnifique façade de Versailles et ses majestueux jardins reportaient nos pensées au brillant siècle de Louis XIV, à son esprit chevaleresque, aux encouragements donnés à la littérature et à l’art, à tous les raffinements qui faisaient de cette cour la plus jolie d’Europe. Mais bientôt l’aspect

 désolé de l’intérieur nous rappela les scènes d’horreur qui s’y étaient passées dans des jours plus récents, et le souvenir de Louis XIV s’effaça devant les malheurs de Louis XVI. 

Le grand et le petit Trianon (ce dernier était la retraite favorite de l’infortunée Marie-Antoinette) ont été réparés par Bonaparte. Mais Saint-Cloud était le palais qu’il préférait. Quoique inférieur à Versailles en étendue et en beauté architecturale, Saint-Cloud lui est de beaucoup supérieur à d’autres égards.

Les appartements privés sont gais et commodes ; ce que ceux de Versailles n’ont jamais été.

Les jardins sont agréables et la vue qu’ils offrent, est d’une grande beauté : Paris dans le fond, la Seine en face, -et la Seine a ici un aspect charmant.  Ce fut dans l’Orangerie de cette résidence de prédilection que Bonaparte fut élu Premier Consul, au même moment où, accusé par le peuple d’avoir lâché son armé en Egypte, il manqua de présence d’esprit : tout était perdu sans son  frère Lucien ; mais Lucien alla de l’avant, il hissa Bonaparte sur les épaules de deux grenadiers et le ramena de force dans l’Orangerie en lui disant de « parler ». Et ainsi la fortune tourna. Et maintenant, quel nouveau changement de scène ! Le feld-maréchal prince de Schwarzenberg était maître de Saint-Cloud et y avait établi son quartier-général ! 

FIN.

 

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