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A propos de la campagne de France (1814)

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Meissonier 1814« Napoléon n’avait pour lui que l’armée. Encore les chefs étaient las de la guerre et ne désiraient que du repos pour jouir de leurs honneurs et de leur grande fortune. Partout on entendait des imprécations contre l’Empereur. Ses soldats, sa garde surtout, partageaient cette défaveur. Cette garde, habituée à vivre en pays conquis, s’oubliait quelquefois avec ses concitoyens. Un jour, en ma présence, un grenadier à cheval de la Garde renversa un vieillard et répondit insolemment, en les traitant de tas de pékins, à quelques personnes qui lui firent des observations d’une manière très convenable.
Un rassemblement, formé par des passants, se rua sur ce militaire, et on lui aurait fait un mauvais parti si d’autres personnes plus calmes n’avaient trouvé moyen de le faire éloigner. Il n’y avait pas de famille qui n’eût à demander compte de la perte d’un de ses membres. Avec Napoléon, disait-on, c’est la guerre partout et toujours; pas de paix possible avec cette ambition démesurée.

Voilà ce qui peut expliquer, sans la justifier, cette absence de patriotisme en présence de l’ennemi. Dans le Midi surtout, nos pauvres soldats eurent beaucoup à souffrir du mauvais vouloir des populations. Réveillé-Parise [ancien chirurgien], qui a assisté à la bataille de Toulouse, m’a dit souvent que ce qui faisait la force des Anglais, c’était la coupable sympathie qu’ils rencontraient dans nos concitoyens, lesquels se montraient hostiles et cruels pour nos armées. Et cependant si le maréchal Suchet avait amené les douze mille hommes qu’il avait à Narbonne, les Anglais auraient été écrasés; mais il ne voulut pas se réunir à Soult, son ancien d’âge et de maréchalat, et devenir son subordonné. On a toujours cru que la maréchale Suchet n’avait pas été étrangère à cette détermination; elle se montrait dans toutes les occasions fière et hautaine; il fallait presque avoir fait ses preuves de noblesse pour être admis à sa table, comme pour monter dans les voitures du roi. Etant accouchée à Saragosse, elle voulut que son enfant fût présenté à l’église dans une cuirasse. »

(Docteur Poumiès de la Siboutie », « Souvenirs d’un médecin de Paris… », Plon, 1910, pp. 136-137).

 

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