Accueil TEMOIGNAGES La journée du 30 mars 1814 racontée par un chirurgien…

La journée du 30 mars 1814 racontée par un chirurgien…

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Lagneau

Louis-Vivant LAGNEAU (1781-1867) était chirurgien-major du 3ème régiment des grenadiers à pied de la Vieille Garde. Il se trouvait à Paris lors de la bataille qui s’y déroula.

« 30 mars 1814. De Charenton, nous allons, en longeant les boulevards extérieurs, à La Villette, où l’ennemi commence son attaque, tant à notre barrière que nous protégeons en nous portant au pont de Flandre, que sur les hauteurs de Belleville, sur notre droite, où étant parvenu à s’emparer de ces hauteurs-là, nous nous trouvons dans la nécessité de nous retirer dans la crainte d’être tournés et pris à dos.

Nous rentrons dans le faubourg, pour chassé par des obus ou autres projectiles. J’avais d’abord établi mon ambulance dans une auberge de routiers, à La Croix-Blanche. Nos blessés y étaient bien installés dans de grandes remises et des hangars, lorsque l’ordre vint de quitter la place qui devenait plus dangereuse. Je rentrai donc avec nos éclopés plus avant dans le faubourg et crus pouvoir me placer dans une autre auberge, dite « du Chaudron d’or ». J’y étais aussi bien. Là, des confrères de Paris vinrent pour nous aider, et entre autres Dupuytren, avec plusieurs aides. Mais à peine étions-nous en mesure de faire nos pansements et nos opérations, qu’il fallut encore nous retirer. Je fis évacuer tous les blessés transportables sur l’hospice de la vieillesse (hommes) où je les installai avec recommandation aux sœurs et employés et je fus obligé de suivre mon régiment. Les autres blessés plus graves furent laissés au « Chaudron d’or », où ils ont reçu les soins des ambulances de la division et ont été transportés dans les hôpitaux de l’intérieur, où je les au revus plus tard, mais pour le moment je suis forcé de suivre mon corps, qui, après une halte de quelques heures, eut l’ordre de traverser Paris par la barrière de fontainebleau.

Une convention avait été conclue, à notre grand étonnement et profond chagrin, entre les maréchaux Mortier et Marmont d’une part, et les généraux alliés de l’autre, en vertu de laquelle, pour éviter à Paris les désastres dont elle était menacée, toute notre armée évacuerait la ville, que les alliés occuperaient aussitôt. Toutes les hauteurs de Belleville, Ménilmontant et Montmartre étaient déjà occupées par les troupes étrangères.

Nous étions pourtant persuadés qu’on aurait pu tenir assez de temps, vingt-quatre ou quarante-huit heures peut-être, pendant lesquelles l’Empereur, qui avait quitté Troyes pour se rendre sur Fontainebleau, aurait pu prendre de nouvelles dispositions et éviter l’occupation de la capitale, ce qui nous semblait fort dangereux, avec un ennemi aussi exalté que les alliés. Le roi Joseph céda comme les maréchaux; il avait fait partir l’Impératrice  pour la direction de Chartres et d’Orléans et la suivit peu après.

Nous étions tous fort affligés de cet arrangement étrange, qui était peut-être inévitable; mais nos grognards n’entraient pas dans toutes les raisons qu’on pouvait apporter pour en  expliquer ou en justifier la nécessité.

Nous évacuons Paris dans la nuit du 30, car les barrières doivent être livrées demain 31 mars 1814. »

(L.-V. LAGNEAU, « Journal d’un chirurgien de la Grande-Armée, 1803-1815. Edition présentée et complétée par Christophe Bourachot », L.C.V. Services, 2000, pp.182-183).

 

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