Un extrait du témoignage d’André Pons de l’Hérault, directeur des mines de l’île d’Elbe (depuis 1809): « Le général Bertrand, grand maréchal, était chargé des affaires civiles, ce qui équivalait au ministère de l’intérieur. Le général Bertrand était un homme de bien, dans toute l’étendue du mot. Il se serait dévoué pour l’Empereur au moment où son dévouement aurait pu sauver l’Empereur, mais ce moment ne s’était pas présenté, et il ne l’avait suivi que par un sentiment d’honneur. Les événements qui avaient brisé le trône impérial avaient aussi brisé l’âme du général Bertrand. Sans cesse en proie aux souvenirs déchirants de cette immense catastrophe, ce n’était plus un homme de travail, c’était un homme de repos. Son coeur était tout entier à sa famille; sa femme et ses enfants absorbaient toutes ses pensées. Que si l’on exigeait rigoureusement mon opinion sur l’essence des liens qui avaient attaché Napoléon au général Bertrand, je dirais, d’après tout ce que j’ai vu: les deux natures, celle de l’empereur Napoléon et celle du général Bertrand, n’étaient pas sympathiques, et le resserrement de leur union, plus apparent que réel, était plutôt une affaire d’habitude qu’une affaire de sentiment. Jamais leurs premières opinions n’étaient les mêmes; elles commençaient toujours par se heurter, et le général Bertrand ne cédait pas facilement.
J’ai vu, plus d’une fois, l’empereur Napoléon renoncer aux débats. Cela n’empêchait pas que le général Bertrand n’aurait jamais eu une pensée contraire aux intérêts de l’empereur Napoléon. »
(« Souvenirs et Anecdotes » de Pons l’Hérault , Plon, 1897)