Accueil TEMOIGNAGES La CAMPAGNE D’ALLEMAGNE (1813) RACONTEE par le COLONEL VIONNET de MARINGONE (IV).

La CAMPAGNE D’ALLEMAGNE (1813) RACONTEE par le COLONEL VIONNET de MARINGONE (IV).

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Suite de la relation de Vionnet de Maringoné.

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« Pendant quinze jours je crus à la paix. Je me réjouissais de rentrer en France afin de soigner ma santé encore passablement délabrée par la campagne de Russie. Je dus bientôt déchanter voyant les choses traîner en longueur, aussi me hâtai-je d’activer la mise en campagne prochaine de mon régiment. Au lieu d’imiter certains colonels qui pour faire briller leur régiment pendant la paix avaient acheté des pantalons blancs, je procurait au mien des pantalons de drap gris amples et commodes, des guêtres d’étoffe noire et surtout de bon souliers. Mon opinion se confirma le 6 juillet en recevant l’ordre d’aller camper à Polkewitz. Je redoublai de zèle et d’activité pour équiper mes soldats, je fis traiter les galeux, guérir les maladies légères sans envoyer les hommes aux hôpitaux. Ce qui fait que le 30 juillet, jour où le maréchal duc de Trévise [Mortier] passa le régiment en revue, je l’avais augmenté de 200 hommes depuis l’armistice ; Sitôt la revue du Maréchal passée, on annonça que la fête de l’Empereur serait célébrée le 10 août, l’armistice pouvant finir le 15. Une table fut dressée en avant du camp ou tous les officiers dînèrent. Le maréchal duc de Trévise qui nous commandait  présida ce dîner qui fut fort gai. On ne parlait que des conquêtes futures, toutefois il ne fallait pas être très grand observateur pout s’apercevoir des changements survenus dans l’armée et présager les désastres qui allaient fondre sur elle. La bataille de Lützen gagnée contre toute probabilité aurait dû déterminer l’Empereur à accepter la paix qu’on lui  offrait. On ne conçoit pas comment il était assez peu instruit  des affaires de l’Allemagne pour ne pas savoir que tous les souverains se préparaient à quitter son alliance au moment précis où il croyait pouvoir résister à l’Europe entière !

L’enthousiasme grandiose qui avait toujours conduit nos bataillons était détruit. L’ambition avait remplacé l’émulation. L’armée n’était plus commandée que par des officiers braves jusqu’à la témérité, mais sans expérience et sans instruction. Les soldats ne cherchaient que l’occasion de quitter leur corps, entrer aux hôpitaux, fuir le danger. Il est bon de dire qu’on les battait pour la moindre chose et qu’au lieu de les considérer comme les compagnons de nos travaux et les agents de notre gloire, la plupart des officiers et des généraux les traitaient en esclaves. On exigeait d’eux des choses impossibles, au-dessus des forces humaines et tous les moyens étant bons pour les obtenir. Le colonel ayant le plus d’hommes présents sous les drapeaux était le plus estimé ? On ne lui demandait pas si on avait abîmé de coups, écrasé de fatigue les hommes pour les faire marcher. Ils étaient arrivés et cela suffisait. Voilà le pitoyable système employé dans les armées françaises !

On crie contre les colonels et les autres officiers qui laissent des hommes ne arrière pendant les marches forcées. On forme des arrière-gardes de sous-officiers et de caporaux qui peuvent  à peine se soutenir sur leurs jambes. On comble déloges et de faveurs ceux qui se montrant sans pitié et sans compassion, forçant ainsi les officiers les plus doux à devenir barbares et cruels comme les autres.

Il en résulte que le soldat ne se bat plus par amour de la gloire mais par crainte des oups et qu’une fois loin de ses officiers, il ne rejoint son régiment que le plus tard qu’il peut, dans la crainte des punitions qui l’attendant à son retour. Il faut ajouter que l’administration est si mal organisée que, les trois quarts du temps, l’armée n’a point de vivres, ce qui oblige les capitaines à envoyer les soldats piller les campagnes pour ne pas mourir de faim.

Toutes ces réflexions qui me vinrent à l’esprit durant ce repos, loin de me donner de l’espoir, me firent concevoir des craintes que nos premiers mouvements ne justifièrent que tort. Je craignais par-dessus tout la décision de l’Autriche qui, se déclarant contre nous, mettrait l’empereur dans la nécessité de se retirer à la gauche du Rhin et à  faire, au moins pendant quelques temps, une guerre défensive qui me paraissait peu convenait à son caractère violent et emporté.

Le 11 août, les armées russes et prussiennes dénoncèrent l’armistice.

Le 15, nous abandonnons le camp à 4 heures du matin, et après avoir ouvert sept lieues, bivouaquons à Scheinteller.

Le 16, nous continuons notre marche, après avoir traversé Bunzlau, petit ville sur la Bober. Jefus détaché avec la 1ère brigade à Suberdorf.

Le 17, nous arrivons à  Lauban. Je fus détaché avec les deux premiers régiments à Obersbetelsdorf. Je fis bivouaquer un bataillon derrière un ravin coupant en avant de Lauban et le reste dans des granges et au château.

Le 18, même position. Je passai l’inspection des régiments.

Le 19, nous allâmes jusqu’à Luthnau, à  trois lieues de Lauben, je logeai au moulin, avec le colonel Darriule [Commandant le 1er régiment de Tirailleurs dela Garde], nous y fûmes parfaitement bien.

Le 20, on nous fit rétrograder sur Lauban où nous arrivâmes à minuit. Il pleuvait à torrent et nous étions fort incommodés. Ces marches et contremarches, au commencement d’une campagne, troublèrent un peu les esprits. Ce n’était pas la méthode de l’Empereur de manœuvrer avant d’avoir livré bataille. On crut remarquer une certaine incertitude dans les mouvements et un manque d’unité et d’ensemble dans les opérations. On nous fit connaître la défection de l’Autriche qui se tournait contre nous. Cette nouvelle fit sensation chez les gens raisonnables qui sentirent le prélude de notre perte.

Le 21, la division arriva à Lowenberg. Le corps d’armée du maréchal Macdonald s’y était battu la veille et avait repoussé l’ennemi. »

 

A suivre…

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