Ce texte, dû à Arthur Chuquet, a été publié dans la troisième série de ses « Etudes d’Histoire » (Paris, Fontemoing Editeur, sans date, [1910]).
Berthier, prince de Wagram, s’était en 1814 rallié sincèrement et sans réserve aux Bourbons, et les Bourbons le récompensèrent. Louis XVIII le fit commandeur de l’ordre de Saint-Louis, pair de France et capitaine d’une compagnie des gardes du corps, la « Compagnie Wagram », comme l’appelaient les royalistes, la « Compagnie de Saint-Pierre », comme l’appela le peuple qui nommait « Compagnie de Judas » la compagnie commandée par Mont. Aussi, lorsque Napoléon quitta l’île d’Elbe et marcha sur Paris, Berthier n’abandonna pas les Bourbons. De même que Macdonald et Mortier, il accompagna Louis XVIII fugitif jusqu’à la frontière. Mais, disait Jaucourt, les maréchaux fidèles et dévoués avaient ainsi fiat tout ce qu’ils feraient ; le roi était hors de leur responsabilité ; ils allaient se mettre à l’abri, allaient sauver leur tête et leur fortune, Macdonald et Mortier demandèrent à Louis XVIII la permission de rester sur le territoire français en assurant qu’ils lui seraient là plus utiles qu’ailleurs. Berthier, il est vrai, n’osa solliciter la même faveur. Il était alors de service, comme capitaine des gardes, et, selon son habitude, il se rongeait nerveusement les ongles, pendant que les deux maréchaux prenaient congé de Louis XVIII. Toutefois au sortir de l’audience royale, il confia à Macdonald qu’une fois en Belgique, il enverrait sa démission, qu’il irait chercher à Bamberg la princesse sa femme et ses enfants, puisqu’il rentrerait en France, parce qu’il craignait d’être considéré comme émigré, et il pria Macdonald d’annoncer cette résolution à sa famille et à ses amis, fût-ce par la voie des journaux. Il voulait donc faire ce que firent Macdonald, Oudinot, Moncey, Castellane,demeurer en France, sans avoir la moindre part aux événements. Moncey demandait à l’Empereur l’autorisation de se retirer dans ses propriétés de Franche-Comté et, le 23 mars, Napoléon approuvait son projet. Oudinot déclarait qu’il se confinait désormais dans sa retraite. Macdonald regagnait Paris et y restait, tourmenté par la goutte, sans voir personne. Le colonel [de] Castellane refusait de joindre son régiment et passait les Cent-Jours à la campagne. Berthier aurait volontiers suivi cet exemple, et dans une lettre que Savary a vue et qu’il adressait à un général, peut-être à son frère César, il disait qu’il était Français avant tout, qu’il ne voulait pas émigrer et qu’il se recommandait à la générosité de l’Empereur. A-t-il écrit à Napoléon, comme le rapporte Savary, et Napoléon lui aurait-il répondu ? Nous ne le croyons pas. Quoiqu’il en soit, son devoir rempli en vers le Roi, Berthier comptait revenir en France et vivre tranquillement sur ses biens.
Dès qu’il fut à Ostende et son service de capitaine des gardes terminé, il quitta Louis XVIII. Le 29 mars, il est à Bamberg auprès de sa femme, chez son beau-père, le duc Guillaume de Bavière-Birkenfeld, et le 2 avril il demande au ministre comte de Montgelas un passeport pour rentrer en France, sur ses domaine, soit à Grosbois, soit à Chambord. Le 5 avril, il réitère sa requête à Montgelas : »La fortune de ma famille exige que nous nous retirions de suite dans nos terres où je veux vivre. » Le 10 avril, il écrit au Roi Max-Joseph de Bavière que l’honneur guide toujours sa conduite, qu’il désire revenir en France et y demeurer dans la retraite, uniquement occupé de sa femme et de ses enfants, fidèle à ses serments en faisant des vœux pour son pays. Le 11 avril, son premier aide de camp, le colonel baron Pernet, revenant de Vienne, passe la journée avec lui au château de Bamberg, et Berthier montre avec douleur à Pernet les journaux de Paris : ils prétendent que le maréchal Berthier est arrivé à Vienne le 5 avril, et le prince de Wagram prie Pernet qui se rend à Paris, de démentir la nouvelle. Le 20 avril, dès son arrivée, Pernet envoie aux journaux une lettre qu’ils reproduisent le lendemain : le maréchal prince Berthier, dit Pernet, a rejoint à Bamberg sa femme et ses enfants, il y attend les passeports bavarois pour rentrer en rance avec sa famille, et d’ailleurs « il est trop bon Français, trop connu par son attachement à la patrie pour laisser croire qu’il ait jamais songé à la quitter. »
Le 23 avril, le « Journal de l’Empire », publie une lettre particulière de Gand, datée du 17 ; elle confirme le dire de Pernet : « On annonce tous les jours l’arrivée prochaine du maréchal Berthier, mais des personnes bien informées assurent qu’il ne viendra point et qu’il veut rentrer en France. »
A suivre…