Le mot de suicide n’est pas prononcé dans le rapport que nous venons de traduire. Mais ce rapport décisif nous révèle l’état d’âme de Berthier, on notera qu’avant d’entrer dans les cabinets, il a essayé d’éloigner Mlle Gallien et qu’elle n’a pas voulu le laisser seul dans la chambre des enfants. Une lettre confidentielle, écrite de Munich le 13 juin par le conseiller de légation baron de Strampfer assure que la princesse de Wagram craignait une catastrophe et qu’elle avait chargé les domestiques de surveiller son mari, mais que le prince sut se soustraire à l’attention de ses gens, qu’il se rendit, pour exécuter son dessein, dans la chambre de ses enfants où il y avait des cabinets, et que là, sous le prétexte d’un besoin naturel, il trouva le temps de mettre une chaise contre la fenêtre, de se jeter en bas.
« La cour de Bamberg, ajoute Strampfer, représente cette mort comme tout à fait accidentelle ; mais on sait que Berthier s’est ôté la vie à dessein, et il a sans doute choisi ce genre de mort pour donner à la chose l’air d’un accident. »
La cause est entendue. Nous n’ignorons plus le comment et le pourquoi de la mort de Berthier.
Il est dégoûté de la vie, et voici que passent sous ses yeux les colonnes russes en files interminables.
Quoi ! Elles vont envahir et ravager la France, et lui, Berthier, est cloué à Bamberg ! Plutôt mourir…et il meurt.
On a dit que ce suicide était impossible parce qu’il est vulgaire, qu’un soldat, un maréchal de France aurait choisi d’autres moyens. Berthier devait donc se tirer un coup de pistolet ! Il devait s’empoisonner ainsi que Napoléon l’avait tenté dans la nuit du 11 au 12 avril 1814 !
Hélas ! Le pauvre Berthier ne pensait pas à mourir en beauté. Quand on veut mourir, on meurt comme on peut.
Arthur CHUQUET
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Il est à noter que tous les historiens ne partagent pas la théorie du suicide. Ainsi le général Derrécagaix, un des premiers biographes du Maréchal, penche plutôt pour un accident, avançant le fait que Berthier était sujet très souvent à des vertiges. Selon lui, le maréchal se mit debout « sur un fauteuil placé sur une petite estrade » pour mieux voir la cavalerie russe qui passait devant son château et aurait pris d’un de ces fameux vertiges qui le déséquilibra … (Source: La plaquette de cet auteur et intitulée: »Les derniers jours du maréchal Berthier », Paris, Librairie Militaire R. Chapelot et cie, 1905).
C.B.