Le 28 janvier 1814, Napoléon passait à Eclaron près Saint-Dizier. Là habitait un homme qui avait joué un grand rôle dans les premières guerres de la Révolution : le maréchal de camp François-Charles Labbé de Vouillers qui fut le chef d’état-major de Dumouriez dans l’Argonne et en Belgique. Vouillers qui suivit Dumouriez fugitif et vécut quatorze ans en Autriche, Vouillers rappelé en 1806 par la protection de Fouché et, veuf et sans enfants, vivait d’une petite rente que lui servait la famille de sa femmes. Il avait inutilement sollicité du service et une pension lorsque, par un curieux hasard, l’invasion étrangère amena à Napoléon sous son toit. Voici comment Vouillers, sans une lettre adressée à Fouché et datée du 2 avril 1815, a raconté, trop brièvement à notre gré, cette entrevue.
Arthur CHUQUET.
Le 28 janvier 1814, les armées françaises ayant été attirées par celles des puissances alliées du côté de Saint-Dizier dont je ne suis distant que de deux lieues, Sa Majesté l’Empereur, dirigeant sa marche du côté de Brienne, passa par le bourg d’Eclaron, ma commune, où Elle fut reçue avec enthousiasme et fut forcée de s’y arrêter quelques heures, en attendant l’entier passage de son armée sur notre rivière de Blaise assez difficile et sur un mauvais pont ruiné par le laps des temps. A ma prière, l’Empereur voulut bien prendre quelques heures de repos chez moi et s’y rafraîchir. Elle-de ma propre main- et tout son grand état-major. Elle me fit la grâce de s’entretenir avec moi, seul, et le maire de notre commune à qui elle promit l’entier rétablissement de notre pont ainsi que celui du clocher de notre église, écrasé deux ans auparavant par le feu du ciel. (Les décrets ont été rendus par Sa Majesté, mais n’ont pas encore été mis à exécution). Sa Majesté daigna me faire différentes questions sur mes anciens services, à la suite desquelles Elle m’assura de toute sa bienveillance en faisant inscrire sur ses tablettes et le recommandant à un de ses chambellans.
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Fain, rappelant dans ses « mémoires » -pp.258-259) les traits de bienfaisance et de bonté de l’Empereur, cite « dans la campagne de France 2.000 francs à un capitaine retiré à Eclaron (c’est peut-être Vouillers) et 1280 francs distribués aux habitants du bourg d’Eclaron par le général Fouler « [Note d’Arthur CHUQUET].
(Arthur CHUQUET, « L’Année 1814. Lettres et Mémoires », Fontemoing et Cie, Éditeurs, 1914, pp.31-32).