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L’Empereur et sa cour…

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« La cour de Napoléon était dans tout son éclat, sa puissance à son apogée. Tous les dimanches et jours de fête, il y avait aux Tuileries grande réception. On voyait défiler dans de beaux équipages aux chevaux fringants, aux livrées éclatantes, toutes les nouvelles illustrations. Hier soldats ou hommes obscurs au fond d’une province, aujourd’hui maréchaux de France, rois, princes, ducs, plaques, cordons, nombreuses décorations, tous avaient bonne mine et portaient bien leur habit. Cette cour, dans son ensemble, était la plus grande, la plus imposante du monde. Tous ces maréchaux, jeunes encore, avaient un air martial et fier, qui repoussait les quolibets des émigrés et des vieux gentilshommes de l’ancien régime. Murat surtout était beau à voir, et je crois que Napoléon, en l’appelant le roi Franconi, cédait, peut-être à son insu, à un mouvement de jalousie. On a dit de lui que dans un salon il commandait le respect et sur un champ de bataille l’admiration. Murat est resté dans ma mémoire comme un type de noblesse et de grandeur. Le vieux comte de Béthisy, auquel je faisais part de cette impression, me disait : — Où diable voulez-vous qu’il ait pris cela? Vous vous êtes laissé séduire par son uniforme et sa mise de théâtre. Murât avait pour amie très intime Mme Michel, dont il était passionnément aimé. Lorsque M. de Mosbourg lui annonça la mort de son ami, elle éprouva une telle commotion qu’elle fut saisie d’un tremblement nerveux qu’elle conserva jusqu’à sa mort, en 1837. Son salon était devenu le rendez-vous de tout ce que Paris comptait de remarquable. Le maréchal Berthier, prince de Wagram, avait pour maîtresse la belle marquise de Visconti, pour laquelle il a fait des folies que tout le monde connaît. En campagne, il faisait placer son buste dans sa tente, sous un dais. A l’époque où je l’ai connue, elle était paralysée d’un côté; ce qui ne l’empêchait pas d’aller dans le monde, où j’ai fait souvent sa partie de whist. Marie-Louise était enceinte. Elle allait, chaque jour, se promener sur la terrasse du bord de l’eau. La foule était toujours considérable, et bien que la souveraine n’y rencontrât que des figures bienveillantes, cette foule n’en était pas moins gênante. Pour obvier à cet inconvénient, on construisit en trois jours une communication souterraine du château à la terrasse; elle fut comblée sous la Restauration et rétablie par Louis-Philippe. Je vis plusieurs fois l’impératrice. Elle était très blanche de peau, avec quelques taches de rousseur sur le visage; ses cheveux étaient d’un blond un peu doré. C’était une grande et belle femme, ayant des manières timides, l’air peu imposant, la figure bonne mais sans expression. Elle était énorme et portait très bien sa grossesse. Une femme du peuple qui était près de moi lui cria un jour : « Ne craignez rien, ma grosse mère, tout cela se passera bien; j’en sais quelque chose, j’ai huit enfants! » L’impératrice, rouge comme du corail, se retourna et salua la femme qui lui avait adressé la parole. Ce fut surtout cet incident qui motiva la construction du passage. »

(Docteur POUMIES DE LA SIBOUTIE (1789-1863), « Souvenirs d’un médecin de Paris… », Plon, 1910, pp.93-95)

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