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La mission d’Apollinaire Emery, lors du retour de l’île d’Elbe…

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Apollinaire EMERY, alors âge de trente ans, né à Grand-Lemps, dans l’arrondissement de La Tour du Pin, avait, comme chirurgien de la Garde, suivi Napoléon à l’île d’Elbe. Il accompagnait l’Empereur dans la marche sur Paris. Le 3 mars 1815, il reçut à Castellane un des passeports en blanc que Napoléon avait exigés du maire de cette ville et il partit en avant, comme s’il avait un congé et rentrait dans sa famille. Sur son chemin, il rencontra le général Mouton-Duvernet et lui assura que la garnison d’Antibes et que Masséna même s’étaient déclarés pour l’Empereur. Mouton écrivit au général Marchand qu’Emery allait à Grenoble et qu’il fallait l’arrêter.  Mais Emery se cacha et il avait eu le temps d’annoncer l’arrivée de Napoléon et de distribuer ses proclamations. Sous la Seconde Restauration il fut enfermé à la prison militaire de Besançon où le chef de bataillon Prétet, rapporteur au procès intenté au général Marchand lui fit subir, le 23 février 1816, l’interrogatoire suivant. 

EMERY.- Je suis passé à l’île d’Elbe comme chirurgien de la Garde de Bonaparte et j’y suis resté jusqu’au 26 février 1815, époque à laquelle je suis partie avec cette même Garde. J’ai débarqué le 1er mars au Golfe-Juan, je me suis mis en route le 2 mars au matin, et je suis arrivé le au matin à Castellane.  A midi du même jour, j’ai quitté la Garde par ordre de Bonaparte, pour venir à Grenoble où était ma famille. Arrivé à Laffrey, le 5 à 9 heures du matin, j’y ai trouvé le général Mouton-Duvernet à qui j’ai dit, sur sa demande, que Bonaparte arriverait ce même jour à Gap.  Le général m’avait reconnu parce qu’il m’avait vu dans la Garde.  Il a d’abord défendu de me donner des chevaux, mais il a ensuite levé cette défense ; il a pris la route de Gap et moi, celle de Grenoble où je suis arrivé le 5 à midi.  A 5 heures du soir du dit jour, j’ai appris dans mon auberge que le général Mouton-Duvernet avait rétrogradé sur Grenoble et qu’il avait invité le général Marchand à me faire arrêter.  Le général Marchand fit faire des recherches de son côté et en fit faire par le préfet.  Mais j’avais été averti à temps par mes amis ; je me cachai jusqu’à l’arrivée de Bonaparte, le 7 mars 1815, au soir.  En conséquence, je n’ai été témoin d’aucun des événements qui se sont passés dans la place jusqu’à ce moment.  Mais j’ai appris que le général Marchand était sorti de Grenoble avec une partie du 11ème régiment, par la porte Saint-Laurent, au moment où Bonaparte entrait dans la place par celle de Bonne, et j’ai été témoin que Bonaparte, dès le soir même et pendant tout le temps qu’il est resté à Grenoble, a envoyé plusieurs personnes au général Marchand pour l’engager à venir le joindre, propositions qui furent constamment rejetées.  Bonaparte a même fait appeler Mme Marchand pour l’engager à faire revenir son mari ; mais le général s’est retiré à  la campagne à quelques lieues de Grenoble. 

PRETET.- Quels ordres vous avait donnés Bonaparte à Castellane, et n’étiez-vous pas chargé de quelque mission pour le général Marchand ? 

EMERY.- Bonaparte m’a dit : « Va t’en à Grenoble, tu diras que j’arrive », et il ne m’a chargé d’aucune mission, ni pour le général Marchand, ni pour aucune personne. 

PRETET.- Est-ce que votre famille a quelques relations avec celle du général Marchand ? 

EMERY.- Non. 

PRETET.- Avez-vous annoncé à Grenoble l’arrivée de Bonaparte, ainsi qu’il vous en avait chargé ? 

EMERY.- La nouvelle était connue avant mon arrivée, et je n’ai vu que quelques anciens camarades qui m’on dit qu’on était à sa poursuite. 

PRETET.- Avez-vous vu à Grenoble, dans la journée du 5 mars 1815, le général Mouton-Duvernet ? 

EMERY.-  Je ne l’ai vu qu’à Laffrey et à Lyon où je suis venu le rejoindre Bonaparte

PRETET.- Quelle opinion avaient les personnes que vous avez vues à Grenoble, sur la conduite que pourrait tenir le général Marchand quand Bonaparte se présenterait devant la place ? 

EMERY.- Le général Marchand passait pour un partisan du Roi et on croyait qu’il se défendrait certainement s’il était secondé par les troupes ; en ce moment encore, le général Marchand passe dans son département pour un bon royaliste. 

(Document extrait de l’ouvrage d’Arthur CHUQUET, « Lettres de 1815. Première Série [seule parue] », Paris, Librairie Ancienne, Honoré Champion, Editeur, 1911) .

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A noter que le général Marchand (1765-1851) dont il est question plus haut est celui qui essaya de résister à Napoléon dans la place de Grenoble après le débarquement de l’île d’Elbe. Marchand évacua finalement la place le 7 mars 1815. Il sera accusé par le pouvoir royal, lors de la seconde Restauration, d’avoir livré la cité grenobloise à Napoléon. Cet officier sera traduit devant un conseil de guerre à Besançon en juin 1816 puis finalement acquitté. Sur le sieur Emery, personnage fort intéressant, il faut lire le petit ouvrage d’Albert Espitalier et intitulé : « Deux artisans du Retour de l’île d’Elbe. Le chirurgien Emery et le gantier Dumoulin » (Grenoble, B. Arthaud,1934).  Enfin la sépulture d’Emery a été restaurée en 2011 sous les auspices de l’Académie Napoléon, dirigée par Ronald Zins. Une cérémonie a eu lieu le 16 avril de cette même année au cimetière de Grand-Lemps (Isère) où repose le chirurgien bonapartiste. 

C.B. 

 

 

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