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Les Autrichiens à Grenoble (1814).

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Autrichiens.

« Chaque jour de retard dans la remise de l’autorité aux administrations françaises, disait un préfet au mois de mai 1814, est un jour de désolation et de deuil ». Malgré la convention du 23 avril 1814, les Alliés traitaient, en effet, la France en pays conquis. A Belfort, les Bavarois enlevèrent du château et de l’arsenal tout le matériel, jusqu’aux ferrures des contrevents et aux planchers. Les Autrichiens voulurent faire de même à Grenoble, comme nous l’apprend cette lettre du général Marchand [qui commandait cette place] au ministre [de la Guerre] Dupont.

Arthur CHUQUET.

Grenoble, 7 mai  1814.

Mon cher général, j’ai reçu le congé d’un mois que vous avez eu la bonté de m’envoyer, mais je crois qu’il est de mon devoir d’attendre encore quelques jours pour en profiter. L’arrivée de l’armée d’Italie dans une partie de ma division, et la présence des Autrichiens qui ont des prétentions trop extraordinaires, me forcent de suspendre mon départ pour veiller aux intérêts du Roi auquel ils voudraient ne rien laisser en partant.

Lorsque M. le maréchal Augereau m’ordonna de leur céder Grenoble et le fort Barraux, il me fit part que, l’occupation de cette partie du département étant paisible et amicale, tous les magasins et arsenaux restaient entre les mains des agents français et que par conséquent les alliés ne pourraient rien en soustraire. Depuis trois jours, ces messieurs ont annoncé qu’ils avaient le dessein d’enlever tous les canons et munitions de l’arsenal de Grenoble et du fort Barraux. On ne pourrait rien entreprendre de plus violent contre le droit des gens. J’ai vu le prince de Hesse-Hombourg, général en chef de l’armée du midi, et je lui ai exprimé combien un pareil enlèvement serait extraordinaire. La chose était si évidente qu’il a été de suite de mon avis, et qu’il a ordonné de suspendre toute entreprise de ce genre. Malgré cela, je n’ose pas m’y lier et il est bien important que le prince de Schwartzenberg donne des ordres positifs à ce sujet : il s’agit de plus de cent pièces de canon de tout calibre et d’une infinité d’objets extrêmement précieux.

Les Autrichiens voulaient également faire enlever tous les instruments de la fonderie de canons de Saint-Gervais qui se trouve dans la partie du département qui n’a pas été conquise et qui, peut-être, ne l’aurait jamais été. Ce sont là des prétentions vraiment iniques et qui récoltent tout le monde : s’ils les mettent à exécution, il n’y a plus de loyauté, plus de droit des gens qui soient sacrés. Il est impossible que les souverains alliés aient une pareille intention : elle serait bien opposé à la magnanimité qu’ils ont montrée jusqu’à ce moment.

Le capitaine chargé de l’arsenal de Grenoble se présente à l’instant chez moi et m’annonce qu’ils viennent de s’emparer de force de l’arsenal. Mon indignation est à son comble.

Agréez, mon cher général, l’assurance de mon sincère attachement.

Le général de division, commandant la 7ème division militaire: Comte MARCHAND.

 

(Arthur CHUQUET, « L’Année 1814. Lettres et Mémoires », Fontemoing et Cie, Éditeurs, 1914, pp.196-197)

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