Les lignes suivantes sont tirées des Mémoires du comte de Hochberg (ou margrave Guillaume de Bade) qui commandait l’année précédente les troupes destinées à bloquer les forteresses d’Alsace.
Arthur CHUQUET
« Au milieu des fêtes et des plaisirs arriva soudain, le 7 mars, la nouvelle que Napoléon s’était enfui de l’île d’Elbe ; elle était annoncée par le consul d’Autriche à Gênes et elle agit sur le Congrès comme un coup électrique. Nous étions le soir à la Burget des membres de la société jouaient justement deux pièces françaises Les rivaux d’eux-mêmes et le Calife de Bagdad. Tout le monde se groupa pour causer de l’événement et on était fort curieux d’apprendre de quel côté Napoléon s’était dirigé. J’entendis plusieurs généraux et diplomates exprimer hautement l’opinion que l’Empereur devait être empoigné et sévèrement puni. Le roi de Prusse, qui écoutait la conversation, dit avec ce calme qui lui était propre : « Avant de l’empêcher de nuire, il faut d’abord le prendre, et ce ne sera pas si facile ». Le 11 mars, on sut que Napoléon avait débarqué à Cannes et qu’il marchait sur Grenoble. Le prince de Monaco, qui était tombé dans ses mains, apporta la nouvelle à Vienne. Le 27, on apprit que Ney avait passé à Napoléon, et le lendemain, que l’Empereur était entré dans Paris. Ces nouvelles furent accablantes pour chacun. On s’inquiétait de la conduite de la Bavière et du grand duc de Bade. Le prince Eugène m’assura que, lorsqu’il sortait, il était constamment suivi par un agent de police.La France était mécontente de tout, même du bon, et elle désirait un changement; ainsi s’expliquent les rapides progrès que lit Napoléon lorsqu’il revint. Les monarques comprenaient maintenant qu’ils avaient eu tort de traiter si bénignement la France dans la dernière paix, de n’avoir eu pour elle que douceur et indulgence. »
(Arthur Chuquet, « Lettres de 1815. Première série [seule parue] », Librairie ancienne, Honoré Champion, Editeur, 1911 pp.313-314.)
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Le Margrave de Bade a laissé des mémoires dont seule la partie consacrée à la campagne de Russie fut traduite en français et publiée (sous les auspices d’Arthur Chuquet).