« Le 15 juin, les hostilités étant commencées, nous entrâmes dans la Belgique; nous ne vîmes point l’ennemi dans cette journée et prîmes cantonnement dans un village, près de la petite ville de Grosselies. Le 16, on nous dirigea sur la route de Bruxelles, le 2ème corps était en avant de nous; bientôt nous nous mîmes en ligne et eûmes de légères escarmouches, avec les hussards hanovriens et les dragons anglais, dans lesquelles, l’avantage nous resta toujours. Ayant pris position à Villers et en étant partis le lendemain, nous nous dirigeâmes sur Jemmapes. Arrivée dans la grande rue de ce bourg notre tête de colonne fut arrêtée par le 2ème lanciers, commandé par le bon et brave colonel Sourd, refoulé par un fort parti de cavalerie anglaise. Craignant que dans leur retraite, les lanciers n’entraînassent notre régiment et par la suite, le 3ème chasseurs qui nous suivait, calculant que le pont que nous venions de traverser, serait bientôt obstrué et que le désordre s’en augmenterait, le colonel Marbot fit barrer la rue par le 1er escadron et prenant avec les 2ème et 3ème une petite ruelle sur notre gauche, il déboucha au trot dans une prairie; les forma vivement en ordre de bataille et les porta en avant, sur le flanc droit de la colonne anglaise, que ce hardi mouvement, exécuté aussi par le 3ème chasseurs, décida à la retraite. Lorsque nous débouchions de Genappe l’artillerie de la garde placée de l’autre côté de la rivière,. trompée par nos portemanteaux et nos pantalons garances, nous prit pour des Anglais et dirigea son feu sur nous; un jeune fourrier du régiment et plusieurs hussards, furent victimes de cette déplorable erreur. Notre belle manœuvre dégagea les lanciers, dont le digne chef avait été grièvement blessé, à la sortie du bourg. Plus tard, voyant un convoi défiler sur une grande route et le prenant pour de l’artillerie, nous lui courûmes sus; c’était simplement des bagages; nous les enlevâmes ainsi qu’un bon nombre d’Écossais. J’occupai jusqu’à dix heures du soir, avec deux escadrons, une position sur laquelle, les Anglais étaient le lendemain. Les fusées à la Congreve qu’ils lancèrent toute la soirée, passaient au-dessus de nous, et faisaient dans les ténèbres, un superbe effet. Les plaisants disaient, que c’était un feu d’artifice que l’ennemi nous donnait. Enfin, je reçus l’ordre de rejoindre en arrière le reste de la brigade. Le temps était affreux; la pluie tombait par torrents; après avoir erré quelque temps, pour trouver où nous caser, les deux régiments s’établirent dans une grande ferme, où les hommes et les chevaux furent à peu près à couvert. »
A suivre.
(« Souvenirs militaires de Victor Dupuy, chef d’escadron de hussards, 1794-1816. Publiés avec une préface du général Thoumas », Calmann-Lévy, éditeur, 1892, pp.287-289)