Accueil JOURS D'EPOPEE Juillet 1815…

Juillet 1815…

Commentaires fermés
0
20

Napoléon

« Napoléon n’a pas échappé à la loi commune. S’il n’avait pas été vaincu à Waterloo, il l’eût été quelques mois, quelques semaines plus tard. Il ne pouvait plus rien contre l’arrêt du destin. Voyant que la mort ne voulait pas de lui, Napoléon se résignait à la retraite. Après avoir quitté Jemappes, il s’arrêtait quelques heures à Philippeville, arrivait le 10 juin à Laon, où il était accueilli par les acclamations de ses fidèles, et il conçut un moment le projet de rallier les troupes; mais après quelques hésitations, il partait pour Paris. Le 21 juin 1815, à 5 heures et demie du matin, d’après le récit de Montholon, à 8 heures selon le manuscrit de Fain, Napoléon arrivait au palais de l’Elysée, où il était reçu sur le perron par le duc de Vicence, « son censeur dans la prospérité, son ami dans l’infortune », et qui dut lui prêter l’appui de son bras pour gravir les marches qui conduisaient à ses appartements. Il paraissait, dit un de ses secrétaires, succomber à la fatigue, à la douleur; sa poitrine était souffrante, sa respiration oppressée; après un soupir pénible, il dit au duc : « L’armée avait fait des prodiges, une terreur panique l’a saisie, tout a été perdu… je n’en puis plus, il me faut deux heures de repos pour être à mes affaires »; et portant la main sur son cœur : « J’étouffe là ! » (Fleury de Chaboulon, « Vie privée de Napoléon », tome II, p.210) Il ordonna qu’on lui préparât un bain; après quoi, on réunirait à 10 heures le Conseil des ministres, pour délibérer sur la situation.

Il fut un assez long temps à se ressaisir. Lavalette, qui le vit dans cette matinée, conte que, dès qu’il l’aperçut, l’Empereur vint à lui avec un rire épileptique effrayant. « Ah! mon Dieu ! », dit-il en levant les yeux au ciel, et il fit deux ou trois tours de chambre. Ce mouvement fut très court. Il reprit son sang-froid et demanda ce qui se passait à la Chambre des députés. Tandis que les uns conseillaient de dissoudre cette assemblée, d’autres insistaient pour l’abdication; l’Empereur se rallia finalement à ce dernier parti.  On connaît les événements qui suivirent. Après s’être retiré quelques jours à Malmaison, où il reçut la visite, entre autres personnages, de son médecin Corvisart, qui devait le revoir le lendemain, Napoléon reçut l’ordre de quitter la France. Le 3 juillet, il atteignit Rochefort, où il devait s’embarquer, sans délai, pour la destination qu’il pouvait encore choisir. Quelques-uns de ses amis lui proposaient de passer en Amérique, il ne voulut prendre aucune décision, hésitant, repris de son apathie. D’ordinaire si prompt à se décider, il n’osait risquer l’aventure, comme s’il se trouvait « sous l’influence de quelque charme malfaisant ».

Le 13 juillet, il adressait, de Rochefort, au Prince Régent, la lettre fameuse que l’on sait; le 15, au lever du soleil, il se rendait à bord de l’Épervier, pour passer de là sur le Bellérophon.

On raconte qu’il s’assoupit sur le pont du navire, en lisant une page d’Ossian, son auteur favori; son énergie physique et morale, au dire de personnages de sa suite, l’avait complètement abandonné. Une fois seulement au cours du voyage, il parut secouer sa léthargie: quand on fut en vue de la côte d’Ouessant, il sortit de sa cabine, prit un télescope et demeura les yeux fixés vers la terre, immobile, de 7 heures à midi; nul ne s’avisa de troubler ses douloureuses méditations. Le 24 juillet, le Bellérophon jetait l’ancre dans la rade de Torbay ; le 30, le cabinet de Saint-James notifiait au souverain déchu la volonté des alliés: l’île de Sainte-Hélène lui était fixée comme résidence; le 7 août, vers 2 heures de l’après-midi. Napoléon passait du Bellérophon sur le Northumberland, qui appareilla pour Sainte-Hélène. »

(Docteur Cabanès, « Au chevet de l’empereur », Albin Michel, Editeur, s.d. [vers 1920], pp.283-287)

Charger d'autres articles liés
Charger d'autres écrits par Christophe
Charger d'autres écrits dans JOURS D'EPOPEE
Les commentaires sont fermés.

Consulter aussi

Réflexions de Pons de l’Hérault (2).

Suite du témoignage de Pons publié sur « L’Estafette » le 13 novembre 2014. « Le 25 févrie…