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1821-2021. «Vous êtes un brigand, un assassin ! »

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Montholon

A Sainte-Hélène, l’animosité existant entre Gourgaud et Montholon n’était un secret pour personne…

« Gourgaud avait un caractère difficile, emporté, susceptible et jaloux. Il s’était ligué avec Montholon contre Las Cases. Celui-ci parti, Gourgaud se dressa contre son ancien allié au point de concevoir des pensées meurtrières. Il eut une attitude réellement insupportable, faite de bouderies, de manque de respect, et de violences. L’Empereur eut, pour lui, une patience infinie, car il connaissait le dévouement profond de Gourgaud, mais celui-ci eut le tort de se rapprocher de Lowe qui lui faisait des politesses. Gourgaud, depuis des mois, voulait quitter Sainte-Hélène et Bertrand, informé, essaya de le calmer. Mais son interlocuteur s’emporta et parla de provoquer Montholon en duel. Le 2 février 1818, l’Empereur, quoique fort mécontent, accueillit cependant Gourgaud gracieusement. Il tenta de le ramener à des sentiments raisonnables, mais Gourgaud exprima son intention de provoquer Montholon. « Si vous menacez Montholon, s’écria l’Empereur, vous êtes un brigand, un assassin ! — Voilà mes cheveux, répondit Gourgaud, que depuis plusieurs mois je n’ai pas coupés, je ne les couperai qu’après m’être vengé du polisson qui me réduit au désespoir ! Votre Majesté m’appelle brigand ! Elle abuse du respect que je lui porte. Assassin ! Je ne crois pas qu’on puisse me le dire, je n’ai tué personne, c’est moi qu’on veut assassiner! On veut me faire mourir de soucis. — Je vous défends de menacer Montholon, je me battrai pour lui, si vous-même… Je vous donnerai ma malédiction. — Sire, je ne puis me laisser maltraiter sans m’en prendre à l’auteur…, c’est le droit naturel… je suis plus malheureux que les esclaves, il y a des lois pour eux et pour moi il n’y a que celles du caprice. Je n’ai jamais fait de bassesses et n’en ferai jamais ! » L’Empereur, s’étant calmé, lui dit que s’il se battait, Montholon le tuerait. « Sire, répondit Gourgaud, j’ai toujours eu pour principe qu’il vaut mieux mourir avec honneur que de vivre avec honte. » Ces mots ranimèrent la colère de Napoléon qui marcha à grands pas dans le salon en parlant confusément. Le grand-maréchal, consterné, ne disait rien. Gourgaud lui rappela que, depuis longtemps, il lui avait demandé de parler à l’Empereur. Bertrand ne répondit pas. Tout à coup, l’Empereur changea de ton, soit qu’il fût las d’une telle querelle, soit qu’il eût de l’amitié pour Gourgaud. « Je vous prie, dit Napoléon, d’oublier ces expressions… » Gourgaud s’engagea alors à ne pas provoquer Montholon si l’Empereur lui en donnait l’ordre, Napoléon essaya de faire abandonner à Gourgaud son projet de départ. — « On vous retiendra au Cap, dit-il, on vous mettra peut-être en prison » — « Perdu pour perdu, j’aime mieux mourir en faisant mon devoir » — « Ah !, dit Napoléon en haussant les épaules, je suis certain que vous serez bien reçu ! Lord Bathurst vous aime… » — « Comment cela ? » — « Oui, vous lui avez plu par votre correspondance » — « J’ai toujours dit que je me portais bien pour ne pas effrayer ma mère. Je ne tiens pas à la vie. Je n’ai rien à me reprocher ». — « Il faut déclarer, dit alors l’Empereur, que vous êtes malade; je vous ferai donner des certificats par O’Meara. Mais écoutez mon conseil, il ne faut vous plaindre à personne, ne pas parler de moi, et une fois en France, vous verrez l’échiquier sur lequel vous devez jouer. » Le lendemain, Gourgaud provoqua Montholon. Celui-ci sur l’ordre de l’Empereur, refusa de se battre. « Tout duel entre nous, dit-il, serait un grand scandale et un surcroît d’affliction à ajouter à la position de l’Empereur. » Napoléon était consterné de la folie de Gourgaud, il aurait même parlé de le faire arrêter » [1]

Ci-dessus, portrait du général de Montholon. 


[1] Lettre de Stürmer à Metternich du 23 février 1818. Ce long passage est extrait de l’ouvrage de J. Thiry sur Sainte-Hélène.

 

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