A notre connaissance, trois auteurs, dont une femme, ont parlé du singulier couvre-chef de l’Empereur, lors de la retraite de Moscou, depuis Mojaïsk (avant Smolensk au retour) jusqu’à Varsovie : l’abbé de Pradt, notre ambassadeur en Pologne, qui vit Napoléon à son passage en traîneau ; Mme Armand Domergue, qui fit la retraite dans les équipages de l’Empereur et passa derrière lui le pont de la Bérézina ; enfin, Duverger (« Mes aventures dans la campagne de Russie »). Ces trois auteurs sont d’accord pour nous dire qu’outre sa pelisse de fourrures à la polonaise, que portait l’Empereur sous sa légendaire redingote grise, il avait sur la tête un bonnet fourré en velours vert, attaché sous le menton par de longs rubans noirs, avec un énorme gland d’or pendant en arrière. Ces rubans noirs semblaient [être] de bien tristes augure à Mme Armand, une des comédiennes du Théâtre français de Moscou.
Il faut ajouter que l’Empereur se trouvait très bien sous ce costume, qui ne lui allait pas du tout, à cause de son obésité précoce et de sa petite taille ; tandis que ces fourrures allaient admirablement aux officiers polonais, généralement sveltes et élancés. Aussi, en arrivant à Smolensk, faisant la queue au milieu des soldats débandés, qui se pressaient pour entrer, fut-il bousculé par des gens qui ne le reconnaissaient pas, sous ce déguisement tout nouveau pour eux : et la vérité nous oblige à reconnaître qu’il apostropha fort incivilement les officiers qui se permettaient de le bousculer un peu fort, bien qu’ils se confondissent en excuses.
Docteur BOUGON.
(« La Chronique médicale » n°19, 1912, pp.659-660).
Napoléon 1er en Russie. (Lithographie de Verestchaguine, d’après son tableau, « La Retraite »).