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Un grand moment de frayeur…

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Guillaume Peyrusse

Extrait des « Mémoires » de Guillaume Peyrusse (publiés en novembre 2018 aux Editions AKFG) qui avait été nommé le 20 février 1810 par le comte Estève au poste de la comptabilité des recettes du Trésor de la Couronne.

Puis huit jours après, Peyrusse est désigné par le même comme Payeur du Trésor chargé des fonds à employer et de la garde des bijoux afin d’accompagner les personnes de la maison de l’Empereur chargées d’aller au-devant de la future impératrice (Marie-Louise). (Son ordre de mission porte la suscription suivante : A monsieur Guillaume Peyrusse, chef de la comptabilité des Recettes du Trésor de la Couronne).

——————————

« Le 28 février 1810, je fus désigné par M. le Trésorier général de Sa Majesté l’Empereur pour aller porter à Vienne et à Braunau les bijoux, parures, écrins et autres présents destinés, par Sa Majesté l’Empereur Napoléon, à être offerts à S. A.. I ; l’Archiduchesse Marie-Louise, ainsi qu’aux dames et officiers de son service d’honneur.

Conformément à mes instructions, je reçus, des mains de Son Exc. M. le Comte de Montesquieu [Il s’agit du comte de Montesquiou-Fézensac (1764-1834), qui occupait la charge de Grand chambellan] les écrins contenant le portrait de Sa Majesté, le collier, les boucles d’oreilles et leurs pendeloques, les agrafes, les tabatières enrichies de diamants et diverses autres cassettes renfermant des présents.

J’en fournis récépissé et je les fis renfermer dans la voiture de voyage qui m’était destinée et que je ramenai aux Tuileries.

Pendant la nuit, je fis tout arranger dans ma vache [Panier revêtu de cuir, qu’on place sur les voitures de voyage,] ne gardant sous ma main que la somme de 400,000 francs, en or, qui me furent donnés pour les dépenses du voyage.

Le rendez-vous était pour le lendemain 1er mars, à trois heures du matin, dans la cour du Louvre. […]

Je fus exact au rendez-vous ; M. l’Inspecteur des Postes me donna le rang que ma voiture devait tenir dans la marche du convoi, et j’attendis.

J’avais été trop préoccupé, pour avoir pu faire aucune espèce de provisions de voyage ; et, sachant, par expérience, tous les embarras et tous les retards qu’éprouvent, en route et dans le service des tables, les officiers qui marchent à la suite d’une Majesté, je songeai à me prémunir.

Ne voyant pas que les dispositions du départ dussent être promptes, j’eus la malheureuse idée d’aller chez le pâtissier de la rue Montmartre, pour y faire mes provisions. Je prévins l’Inspecteur de mon déplacement et, du grand train de mes quatre chevaux, me dirigeai vers la maison Lesage.

A ma sortie du Louvre, je vis plusieurs hommes sortir d’une allée de la rue du Coq ; cette rencontre n’excita pas ma défiance.

Une voiture de vidange stationnait au milieu de la rue de la Jussienne ; ma voiture se gara du trottoir, mais pas assez, puisque les roues de droite, montant sur le trottoir, firent incliner ma voiture et tomber ma vache sur le dos de mon domestique ; les deux courroies de droite et celle de derrière gauche avaient été coupées avec un tranchet ; la vache resta suspendue à la courroie gauche de l’avant.

La sensation que j’éprouvai dans ce moment est inexprimable. J’avais couru le danger d’être complètement dévalisé… L’obscurité de la nuit aurait rendu toute perquisition du moment impossible.

J’avais commis une imprudence blâmable ; je pouvais être soupçonné … Dans mon effroi, je songeais aux conséquences funestes que cet évènement eut pu amener… Avant que la police eût pu se mettre en mouvement, les voleurs de cette riche proie auraient eu le temps de tout dénaturer… Quelle excuse aurais-je pu donner ? … Ma tête était en feu !…

J’eus cependant l’esprit assez présent pour ne pas me faire connaître des vidangeurs, qui aidèrent à remonter et à fixer la vache. Cet évènement ne fut pas connu. J’eus moi-même grand soin de le taire.

Revenu de ma terreur, je songeai à mes provisions, et je pris mon rang dans le convoi, au moment où il déboucha sur le boulevard. »

 

 

 

 

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