« Deux jours après, le 26 [mars 1815], nous traversions Paris à la tête de notre division, composée des 15ème léger, 23ème , 37ème et 64ème de ligne, et d’une compagnie d’artillerie, faisant partie du 3ème corps d’armée commandé par Vandamme, pour nous rendre dans nos cantonnements du nord, en attendant l’ordre d’entrer en campagne. Ce fut pendant ces deux mois et demi que l’Empereur fit tant de prodiges en organisant, comme par enchantement, cette belle armée, qui devait être détruite si vite à Waterloo. Après donc avoir occupé plusieurs cantonnements pendant les mois d’avril et de mai, à Cambrai, le Cateau, Avesnes, etc., et nous être installés à Trélon, qui fut le dernier, nous parties de ce poste le 13 juin, pour commencer notre courte et malheureuse campagne; nous bivouaquâmes, le soir, en avant Trélon, et le lendemain 14, nous étions à Beaumont, où se trouvait réunie presque toute l’armée.
Le 15 juin tout s’ébranle, chacun se rend à sa division, à son régiment, à sa compagnie. Nous n’arrivâmes à Charleroi qu’à trois heures de l’après-midi, lorsque nous aurions, dû y pénétrer en vainqueurs à dix heures du matin; un malentendu du général Vandamme était la cause de cette faute, que l’Empereur lui reprochait précisément au moment où nous passions devant eux. J’ai entendu ces paroles de Napoléon à Vandamme : « Général, ce retard de « votre corps est une fatalité. » Vandamme parut prendre fort mal cette apostrophe en répondant d’une manière excessivement virulente à l’Empereur; mais comme nous les avions déjà dépassés, je ne pus comprendre la suite de cet entretien. Après avoir pris part à un combat assez sanglant, qui eut lieu le soir, en avant de Charleroi , et où nous perdîmes quelques hommes (le général Letort fut tué non loin de nous), notre division alla bivouaquer dans un petit bois entre Fleurus et Charleroi.
C’est pendant cette nuit que nous apprîmes avec indignation la désertion à l’ennemi du général* * * [de Bourmont] et de ses aides-de-camp. »
(« Souvenirs sur le retour de l’empereur Napoléon de l’île d’Elbe et sur la campagne de 1815 pendant les Cent-jours », par M. LEFOL, Trésorier de l’Ecole militaire de Saint-Cyr, ancien aide-de-camp du général de division baron Lefol, sous l’Empire », Versailles, imprimerie de Montalant-Bougleux, 1852, pp.18-19)