Lettre du Payeur G. Peyrusse adressée à son frère André.
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Je reçois, mon cher André, ta lettre du 29 mai ; elle s’est croisée avec ma dernière de Neumark ; tu auras vu que nous avions assez bien rangé les affaires et que S.M. peut dire le veni, vidi, vici. Nous rentrons à Dresde sous des arcs de triomphe. Toutes les villes que nous traversions sont aux pieds de Sa Majesté. Les jeunes demoiselles viennent offrir des fleurs. Quel changement subit s’est opéré : Tout fuyait à notre aspect il y a peu de jours : aujourd’hui tous les visages sont riants. Nous arriverons demain à Dresde où quantité de personnages du plus haut rang sont attendus. J’y sais rendu le duc d’Otrante [Fouché]…T’ai-je dit que dans la soirée du 30 [mai 1813], dans un village près Neumark tous les équipages de Sa Majesté ont été incendiés dans une grange, et que l’action du feu a été si rapide et su prompte qu’on a eu à peine le temps de sauver les chevaux ? J’avais mon écurie dans le bâtiment. Je travaillais, mes paniers étaient étalés : j’ai eu à peine le temps, dès qu’on a commencé à crier « Au feu ! », de sortir de l’écurie avec mes papiers jetés pêle-mêle dans ma capote et de quitter l’enclos. Il a été de toute impossibilité de sortir une seule voiture. Mon fourgon a été incendié et le feu a été d’autant plus vif que j’avais seize caisses de pharmacie. J’ai eu 125,000 [pièces ?] d’or mis en fusion et mêlés avec du fer, du charbon et des cristaux. Je surpris entré dans l’enceinte lorsqu’on a pu s’y maintenir et j’ai enlevé tout ce qui était à moi. J’ai dressé procès-verbal d’une manière très authentique et je l’ai adressé à Paris. Les napoléons qui me restent propres à la circulation sont très noircis, mais je parvins à les nettoyer à l’eau forte, au savon et avec de la cendre. Cela m’a bien vexé, d’autant que j’ai perdu tous mes effets généralement quelconques. Je n’ai pas un mouchoir. Apparemment c’était écrit…
Guillaume.
« Lettres inédites du baron Guillaume Peyrusse écrites à son frère André pendant les campagnes de l’Empire. De 1809 à 1812. Publiées par Léon-G. Pélissier », Perrin et Cie, Libraires-Editeurs, 1894, pp.138-141.