Henry de Saint-Simon en 1782 (et mort en 1865), s’engage à dix-huit ans dans un régiment de hussards et gagnera tous ses grades à la pointe de l’épée. En 1805, il est nommé capitaine et désigné comme aide-de-camp par le maréchal Ney. En 1808, Saint-Simon part combattre en Espagne comme chef d’escadron à la tête du 29ème régiment de chasseurs à cheval. Il a laissé un témoignage qui fut publié la première fois en 1899.
« Parti de Paris le 21 octobre 1808, à midi et demie, je me suis arrêté à Rambouillet d’où j’ai écrit à Paris. J’ai été assez bien jusqu’à la Dordogne, mais là, j’ai trouvé tout le grand parc, les équipages du quartier-général du 6ème corps, la Garde impériale et beaucoup d’autres voitures. J’y étais à deux heures du matin et je fus très heureux, en me disant chargé de dépêches, de passer à midi; à la Gironde, même difficulté et même expédient, c’est-à-dire force d’argent et déclaration que je portais des dépêches de l’Empereur pour l’armée; enfin, je fus assez heureux pour arriver à Bordeaux le soir. Je m’arrêtai une heure et repartis, mais dans la lande il n’y avait pas de chevaux aux postes et il fallait à chacune attendre deux ou trois heures; enfin, je restai quatre jours et quatre nuits sans m’arrêter et j’arrivai le 29 à Bayonne, au milieu de la nuit. Je m’y suis arrêté quelques jours pour réparer mes chevaux, acheter un mulet et son équipage et prendre un domestique, ce que je fis», note le jeune officier dès le début de son « Carnet de campagne». Dès lors, tout son récit ne va connaître aucun temps mort. Le 5 novembre 1808, lors d’une étape à Tolosa, il remarque que les soldats ont « des distributions exactement faites de pain et de viande ». Le 8, il rencontre le maréchal Ney à Vittoria. Le 13, il est à Burgos. Dix jours plus tard le voici à Suria : « Toute la nuit avait été coupée par un incendie affreux, nous eûmes à peine le temps de vider un magasin à poudre qui était à six maisons de là; la ville aurait été consumée, si on n’avait pas pris le parti de faire démolir les maisons avoisinantes. Nous étions les aides-de-camp du Maréchal; à la tête, des sapeurs montaient sur les toits, étouffant de fumée et conduisant les hommes et travaillant nous-mêmes. Il y eut un quartier entier de brûlé… »
Saint-Simon note scrupuleusement chaque jour ce qu’il voit. Ainsi le 4 décembre 1808, il écrit, non sans une certaine émotion : « Nous eûmes le spectacle affreux de l’agonie d’un soldat français au service d’Espagne. Le maréchal Ney était dans une chaumière et son escorte et nous, au bivouac, sur la place qui était très petite ; il y avait devant un feu éteint ce malheureux, qui avait plusieurs blessures très graves; je le questionnai cependant et il me répondit tout juste. Il était là depuis cinq jours, sans secours ni nourriture; je lui amenai notre chirurgien qui lui trouva le tétanos et le jugea sans ressource, de sorte qu’il resta agonisant au milieu des hussards qui faisaient leur soupe… »
Quinze jours plus tard, voici notre jeune aide-de-camp assistant à une revue passée par l’Empereur : « …en grande et superbe tenue, nous nous rendîmes dans la plaine entre Madrid et Chamartin. C’était un spectacle superbe : 50.000 hommes couvraient la plaine. L’Empereur vit tous les régiments, y donna beaucoup d’avancement et nous fit défiler, mais par un vent et une poussière qui nous rendaient aveugles. » En 1809, le chef d’escadron Henry de Saint-Simon sera encore en Espagne, notant encore dans son « Carnet de campagne » de nombreux détails.
C.B.