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Visites à l’île d’Elbe (Janvier 1815)…

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napoleon.jpg« Il était difficile à sir Neil Campbell de concilier sa surveillance d’Argus et les égards qu’il s’était proposé de montrer à Napoléon, sans avoir bien défini lui-même, avons-nous déjà dit, son titre et ses fonctions ; il lui aurait répugné surtout d’admettre qu’on pût l’assimiler à un geôlier et encore moins à un espion, quoique même le plus haut grade de la diplomatie exige du plus noble seigneur qui en est revêtu un peu de cet espionnage sans lequel, surveillé et espionné lui-même, il risque d’être le seul à ignorer le secret de la comédie politique dont il est le premier acteur. Le commissaire anglais à l’île d’Elbe, très-imparfaitement renseigné sur les lieux, convient donc qu’il était réduit à aller chercher à Florence, à Livourne, à Rome et à Gênes les informations d’une police mieux servie que la sienne et un supplément d’instructions. C’est ainsi que, n’ayant appris que par les journaux, comme Napoléon, le voyage de son collègue autrichien le général Koller, et très-désireux de s’entretenir avec ce général avant son arrivé  auprès de Napoléon, il crut devoir aller l’attendre à Gênes, d’où, après l’avoir attendu vainement, il retourna, dans les premiers jours de janvier, à l’île d’Elbe, et y apprit que c’était à Milan qu’il aurait dû aller joindre le général Koller. Cette fois il apprit encore que pendant son absence ce n’était plus seulement un étranger qui avait rendu à Napoléon la visite mentionnée par M. Peyrusse, mais que plusieurs aventuriers débarquaient dans l’île continuellement et se rembarquaient pour Naples, se disant déçus de l’espoir d’être employés par l’empereur et allant demander du service au roi Murât. Evidemment Napoléon, ne pouvant soustraire tous ces visiteurs à la surveillance dont sir Neil n’était pas le seul agent, n’était pas fâché de laisser croire que ce n’était pas la France, mais l’Italie, qui invoquait son retour, d’autant plus qu’aucun d’eux, paraît-il, n’avait réellement obtenu de lui aucune parole compromettante. Il avait ainsi congédié successivement M. Théologue, un Grec chargé autrefois par lui de missions dans le Levant, et un individu qui, prenant le nom de Pietro Saint-Ernest, fut dénoncé au commissaire anglais comme étant venu déguisé en matelot. Ce ne devait pas être un de ceux que sir Neil appelle des aventuriers, ce gentilhomme norvégien, nommé M. Kundbzow, venu exprès de l’extrême Nord pour saluer le grand homme de l’Occident, et à qui Napoléon demanda:

« Quelle est la population de la Norvège ? »

« Deux millions, Sire.

— Non, reprit Napoléon immédiatement, elle n’est que de dix-huit cent mille âmes. »

Correction exacte que sir Neil Campbell nous dit n’avoir été faite par le grand homme de l’Occident qu’à l’aide du Dictionnaire géographique « consulté le matin, n’en déplaise aux admirateurs de son savoir universel. » Ce n’était pas non plus un aventurier que M. Litta, noble Milanais venu pour déclarer, au nom de ses compatriotes, qu’il rallierait sous son drapeau toute la Péninsule , excepté quelques prêtres et quelques sexagénaires. La conversation de M. Litta et de Napoléon est citée par sir Neil Campbell textuellement, grâce à un ami intime pour qui il l’avait transcrite et qui l’avait traduite en français pour le consul de France à Livourne, M. Mariotti »

(« Napoléon à l’île d’Elbe. Chronique des événements de 1814 et de 1815. D’après le Journal du colonel sir Neil Campbell., le Journal d’un détenu et autres inédits peu connus pour servir à l’histoire du Premier empire et de la restauration. Recueillis par Amédée Pichot », E.Dentu, Éditeur , [et] Revue Britannique, 1873, pp.206-208)

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