« Compagnon et historien des exploits du grand homme, j’ai défendu sa mémoire avec persévérance dans les années d’oppression. Aujourd’hui que la France a reconquis la liberté et son indépendance, je manquerais à moi-même, je manquerais à tant de guerriers morts au champ d’honneur, si je n’élevais ma voix en faveur de notre chef immortel. C’est bien le moins que la Patrie offre un tombeau à celui qui l’a couverte de tant de bienfaits et comblée de tant de gloire.
Le Roi que le peuple français a élevé sur le trône acquerra de nouveaux droits à sa reconnaissance, en réclamant les restes du grand homme pour lequel il a si souvent fait éclater son admiration. Je vous ai parlé, Messieurs, des bienfaits de l’Empereur. L’univers connaît ceux dont il a comblé la France et une partie de l’Europe, et cependant, Messieurs, l’histoire du grand homme n’est pas connue et comment aurait-elle pu l’être puisqu’il a succombé deux fois dans la lutte pour laquelle ses ennemis avaient soulevé l’Europe entière, pour laquelle tous les peuples armées par leurs oppresseurs, au nom de la Liberté avaient été dirigés contre celui sui avait été le véritable détenteur de leurs droits.
On ne sait pas, Messieurs, que toutes les guerres de Napoléon furent éminemment défensives et qu’elles eurent pour but immédiat de défendre contre la Sainte-Alliance, le trône national consacré par 4 millions de votes. Souvent l’Empereur a dit : « lorsque la Nation a élevé à la souveraineté un de ses citoyens, elle a pris l’engagement de le défendre contre la coalition des souverains qui se prétendent établis par le droit divin.
Il ne sera pas difficile de prouver que Napoléon, toujours provoqué, toujours attaqué par les puissances étrangères, a toujours accordé la paix, lorsqu’elle lui a été demandée, et avec des conditions constamment modérées, que sans cesse, il a été réattaqué par des ennemis toujours vaincus et s’armant contre lui des bienfaits qu’ils avaient obtenus jusqu’au moment où vaincu par la fortune, par les éléments et par les hommes, il a vainement réclamé la paix qu’il avait si souvent accordée.
Ce n‘est pas ici le cas, messieurs, de dérouler cette longue suite de traités si souvent outragés : qu’il me suffise de dire seulement qu’il n’est pas une des grandes puissances qui ne les ait plusieurs fois mendiés et autant de fois violés, vous serez peut-être étonnés, Messieurs ; mais il est éminemment vrai pour moi que si le triomphateur n’eut pas trop sacrifié au désir d’assurer la paix de la France et de l’Europe ; s’il avait déployé contre ses ennemis un peu de cette violence qu’ils n’ont cessé de manifester contre lui, il aurait bientôt établi en Europe un ordre de choses plus conforme aux besoins du siècle et aux progrès de la civilisation. Et pourtant, Messieurs, quelqu’immenses qu’aient été les bienfaits du grand homme, quelque reconnaissance qu’ils doivent exister parmi nous, je me reprocherais d’attirer trop longtemps votre attention sur les détails de son histoire, si elle n’était pas en même temps celle du peuple français. Ce n’est pas au conquérant, ce n’est pas à l’heureux soldat que la Coalition faisait la guerre, c’est au créateur de nos codes immortels, c’est à l’organisateur de notre administration nationale, c’est au représentant et à l’héritier de la Révolution française qu’ils avaient déclaré une guerre à mort. C’est la France entière qu’ils attaquaient et qu’ils voulaient réduire sous le joug de l’ancienne dynastie.
Aujourd’hui, Messieurs, nous sommes dans la même position depuis le traité de Plinitz, la Sainte-alliance n’a pas cessé d’exister, la Révolution de Juillet l’a de nouveau armée contre nous. Qu’on ne parle pas de démonstrations amicales de tous mes souverains. Il n’en est aucun qui n’ai plusieurs fois trahi les traités de l’Empire. Nous sommes autorisés à ne plus croire à leur bonne fois et à ne nous confier que dans le développement de nos forces nationales.
Que les restes de Napoléon soient rapportés au milieu de nous. C’est au nom de 4 millions de citoyens qui ont voté pour élever Napoléon à l’Empire que je viens réclamer un tombeau pour lui. »
Discours du Général PELET-CLOZEAU, député de Toulouse, directeur du Dépôt de la Guerre, à la Chambre des Députés, 1831.
Reproduit dans la «Revue de l’Institut Napoléon », n°8, 4ème trimestre 1939, pp.245-247.