« La nouvelle que l’ogre corse débarquera le soir du 17 octobre 1815 est déjà connue à terre et, propagée par le mystérieux télégraphe « de bouche à oreille », a parcouru toute l’île ; celle de son exil à Sainte-Hélène a été apportée par le navire Icarus lequel, séparé du Northumberland à Madère, par le mauvais temps, a fait bonne route, trouvé de meilleurs vents et a touché l’île cinq jours avant le gros du convoi. La population locale est tombée des nues ; en général les nouvelles d’Europe arrivent ici avec un retard qui leur enlève toute espèces d’importance sur le plan local et, comme dans toutes les îles, on ne prend feu que pour les affaires de clocher. Mais cette fois les langues vont leur train, car on vient d’apprendre d’un seul coup l’évasion de l’île d’Elbe, Waterloo et l’abdication définitive de l’Empereur. Les craintes les plus intenses se font aussitôt jour ; c’est que la réputation de « Bony » n’est pas brillante : elle est faite des racontars des marins de passage, des caricatures anglaises, des récits des émigrés français, qui pullulent dans les gazettes, et des histoires terrifiantes des nourrices indigènes », rappelle le regretté Gilbert Martineau dans son ouvrage « La vie quotidienne à Sainte-Hélène au temps de Napoléon ».
C.B.