Le café Lemblin (ou Lamblin) fut créé en 1805 ; il ferma ses portes en 1870. Il se trouvait aux numéros 100 à 102 de la Galerie de Beaujolais. Le docteur Louis Véron, mémorialiste si disert, raconte dans ses « Mémoires » les deux épisodes qui suivent.
C.B.
« C’est au café Lemblin que se montrèrent les premiers officiers russes et prussiens qui entrèrent à Paris. C’était le soir ; le café était rempli d’officiers revenus de Waterloo, bras en écharpe, casques et shakos troués par les balles. On laissa les quatre officiers étrangers prendre place à une table ; mais bientôt tout le monde se leva comme frappé d’une même étincelle électrique, et un cri formidable de « Vive l’Empereur ! » fit bruire les vitres ; vingt-cinq officiers s’élancèrent vers les quatre étrangers ; un capitaine de la Garde nationale, taillé en Hercule, se jeta au-devant d’eux.
« Messieurs, dit-il, vous avez défendu Paris au-dehors, c’est à nous de le faire respecter au-dedans ! »
Puis se tournant vers les officiers étrangers, il reprit : « Messieurs, ce sont les bourgeois de Paris que votre présence prématurée offense, et c’est un bourgeois de Paris qui vous en demande raison. »
Lemblin, qui était sergent de la Garde nationale, intervint alors et sous le prétexte d’explications plus tranquilles, il fit passer Russes et Prussiens dans son laboratoire, d’où ils purent s’échapper.
Quoique le café Lemblin fût le lieu de réunion de officiers de l’Empire, on y voyait fréquemment des gardes du corps, des mousquetaires qui, la moustache retroussée, la lèvre dédaigneuse, venaient là chercher aventure.
Un soir, les gardes du corps se présentèrent en masse et annoncèrent que le lendemain ils viendraient inaugurer au-dessus du comptoir le buste de Louis XVIII. Le lendemain, près de trois cents officiers de l’Empire occupaient la place menacée ; mais l’autorité avait été avertie, les gardes du corps ne parurent point. »
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Un peu plus loin se trouvait la Café de la Montansier. Écoutons de nouveau le Dr Véron :
« A compter du 20 mars [1815], de chauds partisans de l’Empire, des officiers, ses sous-officiers, improvisèrent dans ce café une tribune du haut de laquelle les Bourbons étaient insultés quotidiennement de six heure du soir à minuit. Les chanteurs gagés ne paraissaient plus ; la scène était occupée par les consommateurs, qui venaient à tour de rôle faire entendre divers refrains très souvent répétés par la salle… Ces saturnales durèrent cent jours, c’est-à-dire jusqu’à la rentrée de Louis XVIII. Alors sonna l’heure des représailles ; les mousquetaires et les gardes du corps à leur tour voulurent venger la royauté de ces outrages, comme si ces outrages avaient pu atteindre la royauté. Dans l’égarement de leur dévouement, ils s’oublièrent jusqu’à envahir à main armée le café Montansier ; on brisa les glaces, et une partie des meubles, du linge, de l’argenterie, fut lancée par les fenêtres. »
(Docteur Louis VERON [1798-1867], « Mémoires d’un bourgeois de Paris », tome III, Librairie Nouvelle, 1857)