Ce document est extrait des « Lettres interceptées par les russes durant la campagne de 1812… » et publié en 1913. L’auteur de cette lettre est Charles-Emmanuel Asinari de Saint-Marsan ; elle est adressée à son père. Né en 1791, il est nommé le 28 février 1812. Officier d’ordonnance de l’Empereur en 1813, Charles de Marsans quitte les rangs de l’armée le 8 avril 1814.
C.B.
A 15 lieues de Moscou sur la route de Kalouga (c’est tout ce que je sais)
14 octobre 1812.
Mon très cher père, le général Beaumont veut bien me prêter assistance pour vous écrire et vous faire passer ma lettre, deux choses également difficiles ; j’en profite avec transport, car vous ne saurez croire combien je souffre de ne pouvoir m’entretenir souvent avec mon chère père. Vous recevrez même cette lettre avant celle que je vous ai écrite le 2 septembre. Par cette dernière je vous donnais de mes nouvelles après l’affaire du 4. Je vous répéterai ici que j’ai encore eu le bonheur le plus complet malgré la plus chaude mêlée qui a duré plus de deux heures. Je n’ai eu qu’un coup de bâton de lance dont le seul effet a été de m’ébranler un peu de dessus mon cheval. J’ai commandé un escadron dans cette petite bataille. Le général Sébastiani a été fort content de moi. Je sais qu’il en a parlé. M. le général de Beaumont a eu la bonté de me proposer d’être son aide de camp mais il faut pour cela que je sois nommé lieutenant. On m’assure que la demande en a été faite par mes chefs après la dernière affaire. Cependant comme cela n’est point sûr, je vous prie de vouloir bien écrire à M. le major général pour appuyer la demande que le général Beaumont se propose de faire pour m’obtenir la place de lieutenant aide de camp. Nous sommes assez mal pour nous et pour nos chevaux, il faut espérer que tout cela finira un jour. J’ai acquis une dosse de patience qui me fait supporter avec calme tous mes maux. Je forme à chaque instant des châteaux en Espagne ; je me figure de vous revoir bientôt ; mais je vois avec peine cette époque s’éloigner tous les jours davantage.
Nous sommes dans la boue, dans le froid, mais patience.
DE SAINT-MARSAN