Né en 1776, le comte Emmanuel de Las Cases, émigré depuis les troubles de la Révolution ne retrouve la France qu’en 1802, au moment de la Paix d’Amiens[1]. En 1805, une des plus belles années de l’Empire, Las Cases se rallie à Napoléon. Après avoir servi en Hollande, dans l’armée de Bernadotte, il est nommé chambellan à la fin de l’année en décembre 1809 (mais sans aucun service à effectuer) et maître des requêtes au Conseil d’Etat l’année suivante. Las Cases occupera durant quatre années ces fonctions. Après la première abdication de l’Empereur, Las Cases réside à Londres. Il revient en France dès le retour de Napoléon aux Tuileries, après l’épopée inoubliable de Golfe-Juan à Paris. A l’issue de la défaite de Waterloo, Las Cases, personnage cultivé et lettré pressent l’importance du moment et, sans presque réfléchir, ayant entraîné son fils avec lui, se place dans le dernier carré des fidèles de l’Empereur. Que ce soit en Amérique ou ailleurs, il veut écrire pour la postérité. Parfaitement bilingue, le voici à bord du Northumberland en route vers Sainte-Hélène. Hormis son travail de « collaborateur indispensable » (avec les autres compagnons de captivité de l’Empereur) contribuant ainsi à l’élaboration des « Mémoires » de Napoléon, le comte de Las Cases, avec l’aide d’Emmanuel, son fils, va amasser par ailleurs des milliers de notes qui serviront de base à l’élaboration du fameux « Mémorial de Sainte-Hélène »[2]. La première édition complète sortira deux ans après la mort de Napoléon en 1823[3] et connaîtra un gigantesque succès auprès du public. N’oublions pas que ce témoignage incontournable ne couvre pas l’intégralité du séjour de l’Empereur à Sainte-Hélène, contrairement à d’autres (le mameluck Ali, Marchand, Montholon) : Las Cases et son fils sont expulsés de l’île le 30 décembre 1816. Mais deux siècles après la mort du grand Napoléon, on parle encore de l’œuvre du comte de Las Cases ![4] L’auteur du « Mémorial de Sainte-Hélène » s’éteint en 1842.
Capitaine P. MATZYNSKI
[1] Las Cases avait publié en 1802 un « Atlas historique et géographique » sous le nom d’auteur de Lesage.
[2] « Le samedi 9 septembre 1815, à bord du Northumberland qui cingle vers Sainte-Hélène, Napoléon fait venir Las Cases et dicte, « pour la première fois quelque chose sur le siège de Toulon ». Puis il se relâche quelques jours dans son travail, le repend péniblement, mais ne tarde pas à s’y intéresser avec passion. Il prend l’habitude de revoir tous les jours la dictée de la veille, il la corrige souvent de sa main ou la reprend entièrement, dans une nouvelle dictée. Quand le travail lui semble satisfaisant, il continue sa dictée. » (N. Tomiche, « Napoléon écrivain »).
[3] En 1818, à Bruxelles, Las Cases avait publié un premier ouvrage, relativement court (66 pages), sous le titre : « Mémoires d’Emmanuel Dieudonné comte de Las Casas [sic], écrits par lui-même… » dans lequel il raconte son séjour auprès de Napoléon à Sainte-Hélène. Il faudra attendre 1823 afin de voir paraître son légendaire « Mémorial ».
[4] « Aucun des auteurs de Sainte-Hélène (sans en excepter Napoléon) n’a été lu autant que Las Cases. La popularité de son œuvre a été telle que l’auteur y a été comme absorbé : le public, qui sait qu’il s’est écrit à Sainte-Hélène un ouvrage intitulé le « Mémorial », attribue communément cet ouvrage à Napoléon. Peu de gens ont une opinion sur Las Cases », écrivait en 1906, Ph. Gonnard dans ouvrage intitulé : « Les origines de la Légende napoléonienne… »