J’ai publié précédemment sur ce Blog, une notice sur la figure méconnue du général Hogendorp, assortie de 2 lettres adressées par Berthier à ce même officier. Voici une nouvelle lettre que le général Hollandais adressa à Napoléon.
C.B.
Le général Hollandais Van Hogendorp, aide-de-camp de l’Empereur, nommé gouverneur général de la Lituanie, retrace à ce dernier dans cette lettre du 22 novembre 1812, les mesures qu’il prit à la nouvelle de la prise de Minsk. Cette nouvelle « a fait à Vilna une vive sensation et causé beaucoup d’alarmes » ; nombre de fuyards, soldats et paysans, sont arrivés en grand nombre et la ville est terriblement encombrée. Mais Van Hogendorp fait sonner très haut l’arrivée des renforts destinés la Grande-Armée, et notamment de deux régiments de cavalerie napolitaine qui dit-il dans cette lettre, avaient une magnifique tenue.
A.CHUQUET
Vilna, 22 novembre 1812. Sire, quand je reçus la nouvelle inopinée que M. le général Bronikowski avait abandonné Minsk sans faire aucune résistance, il y avait des troupes en route de Vilna pour aller rejoindre l’armée. Je pris d’abord le parti d’envoyer des officiers pour leur faire faire halte à Oschmania, et je chargeai M. l’adjudant commandant d’Albignac qui venait d’arriver, d’aller les rassembler pour en prendre le commandement et prendre une position jusque vers Smorgoni pour, de là, observer l’ennemi, prendre des information, envoyer des patrouilles et des reconnaissances en avant, et à droite, et à gauche, et, s’il se trouvait que l’ennemi n’était pas en force, avancer sur la route de Minsk avec beaucoup de prudence, aussi loin qu’il pourra venir, afin de pouvoir, dès que l’ennemi se retire, y rentrer et amener les détachements de marche qu’il a avec lui à l’armée et, en cas contraire, que l’ennemi se montrât en force et les menaçât, de se replier et de revenir à Vilna. J’ai l’honneur de présenter ci-joint à Votre Majesté la situation des troupes de marches qui se trouvent réunies sous les ordres de M. d’Albignac à qui j’ai recommandé la plus grande prudence et circonspection, vu que, d’après les ordres de V.M ., ces corps de marche ne doivent pas être menés contre l’ennemi. Mais, pour ceux-ci, ils se trouvaient déjà en marche pour aller rejoindre leurs régiments sur Vilna où toute la 24ème division ca être réunies avec plusieurs régiments de cavalerie ou autres corps de marche et où se trouvent arrivés déjà, depuis quelques jours, les deux régiments de cavalerie napolitaine de la garde royale qui sont arrivés ici en très bon état, ayant perdu très peu d’hommes et de chevaux en route. Je les ai vus hier à cheval, et je puis assurer Votre Majesté qu’ils sont dans le plus bel ordre et ont la plus belle tenue. Hier, les six premiers bataillons de la 34ème division sont arrivés, et aujourd’hui il en arrive encore cinq. Les deux autres suivront de près avec l’artillerie de la division qui est partie le 16 novembre de Koenigsberg, et les vélites à pied de la garde napolitaine en sont partis le 18. L’évacuation de Minsk a fait ici une vive sensation et causé beaucoup d’alarmes. J’ai tâché de calmer et de tranquilliser les esprits par ma contenance et en faisant voir que jamais je ne penserais à évacuer ma place. J’ai aussi fait sonner fort haut l’arrivée prochaine de la 33ème division, et d’un corps de 12.000 Bavarois qui arriveront par Varsovie et Grodno, surtout en donnant partout des ordres pour faire fournir les subsistances et les fourrages pour ces différents corps. La prise de Minsk a fait refluer un nombre considérable de troupes débandées du corps battu du général Kossecki, de blessés, de soldats isolés, d’habitants de la campagne, et femmes et enfants, fuyant, saisis de terreur panique, vers Vilna. Ce qui, avec le nombre considérable de troupes qui s’y trouvent, fait un encombrement terrible et nous donne beaucoup de peine pour entretenir le bon ordre et la tranquillité. Cependant, j’ose donner l’assurance à Votre majesté que je saurai maintenir l’ordre et le bon esprit tant parmi les troupes que parmi les habitants, et qu’en tout cas, j’espère me montrer digne de la confiance dont elle a daigné m’honorer en me nommant à cette place. Je suis, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le plus humble, le plus obéissant et le plus fidèle sujet.
Le comte de HOGENDORP.
Document publié dans le volume d’Arthur Chuquet intitulé « Lettres de 1812. 1ère série [seul volume paru] », Paris, Champion, 1911, pp. 234-237.