« Bien avant le retour de l’île d’Elbe, et à l’insu de l’empereur, Fouché, paraît-il, avait conçu le projet de faire enlever le roi de Rome. Selon Méneval, des émissaires étaient même venus à Vienne dans ce dessein. Quoi qu’il en soit, la cour d’Autriche appréhendait un complot. Le 18 mars, l’empereur François déclara à sa fille que dans les circonstances présentes le jeune prince devait résider à Vienne. Marie-Louise, qui avait déjà accepté d’abandonner son fils pour obtenir la souveraineté de Parme, consentit sans peine à cette séparation anticipée. L’enfant fut conduit au palais impérial de Vienne. Deux jours plus tard, à la suite d’une fausse alerte qui fit soupçonner à tort le colonel de Montesquiou d’une tentative d’enlèvement dont sa mère aurait été complice, le grand-chambellan Vrbna signifia à celle-ci l’ordre de l’empereur de cesser incontinent ses fonctions. Malgré ses prières et ses protestations, madame de Montesquiou dut obéir et livrer à une gouvernante autrichienne l’enfant qu’elle n’avait pas quitté un seul instant depuis sa naissance. Redoutant quelque horrible projet, elle exigea l’attestation, signée de deux médecins, que le fils de Napoléon sortait de ses mains en bonne santé. Le petit prince pleura beaucoup. A toute minute, il appelait « maman Quiou ». Quand Meneval partit pour Paris, au commencement de mai, il vint le voir une dernière fois et lui demanda s’il avait quelque chose à faire dire à son père. L’auguste enfant jeta un regard de défiance sur sa nouvelle gouvernante et sur les Autrichiens qui se trouvaient là, puis il se retira silencieusement à l’autre extrémité de la pièce, dans l’embrasure d’une fenêtre. Meneval l’y suivit. Alors le petit prince, l’attirant tout contre la croisée, lui dit très bas: « -Monsieur Méva, vous lui direz que je l’aime toujours bien. »
(Henry HOUSSAYE, « 1815. La première Restauration.-Le retour de l’île d’Elbe.-Les Cent-Jours », Perrin et Cie, 1893, pp.451-453)