« 20 Décembre 1814. — Des faits qui me sont signalés me démontrent qu’il se manifeste un mauvais esprit dans la Meurthe; ainsi, à Blamont, petite ville de ce département, on a placardé, il y a peu de jours, un écrit séditieux conçu en ces termes : «Français, réveillez-vous ! Il en est temps, car Napoléon s’éveille ! Tous ces fameux royalistes vont être culbutés ». La gendarmerie qui est, à peu près, la seule autorité active, parce que, dans cette région, les maires ne sont guère occupés que de leurs intérêts, surveille particulièrement cinq à six individus qui paraissent exercer sur les habitants une influence dangereuse ; de ce nombre est le curé lui-même. D’un autre côté, un de ces événements, qu’on a peine à s’expliquer, quand on les apprend, et qui prouvent combien tout ce qui surprend ou étonne la foule est facile à exécuter impunément, s’est produit à Nancy, dans la soirée du 6 de ce mois. Il y est entré, par la porte de Lunéville, un char attelé de quatre chevaux sur lequel se trouvaient cinq individus qui criaient à tue tête : « Vive Bonaparte ! A bas la famille des Bourbons ! » Cette voiture a ainsi rapidement parcouru le faubourg et une partie de la ville, suivie d’une multitude considérable. Elle est repartie du même train, sans que l’on ait songé à l’arrêter ni même à découvrir par quelle porte elle était sortie, ni quels individus s’y trouvaient! Les recherches se poursuivent avec activité et avec une sorte de curiosité qui tient à la bizarrerie du fait en lui-même. Le lendemain, un militaire, rejoignant son corps, s’est permis les mêmes acclamations en traversant la ville; il a été, sur-le-champ, arrêté par la gendarmerie »
(Georges Firmin-Didot, « Royauté ou Empire. La France en 1814. D’après les rapports inédits du comte Anglès », Maison Didot, Firmin-Didot et Cie, Éditeurs, 1897, pp.184-185)