« L’écrivain Léon Meyniel, très bien disposé à l’égard de tout ce qui touche Napoléon estime que, dans l’affaire d’Espagne, les morts français s’élèveraient à 70 000. A quoi il y aurait lieu d’ajouter ceux des contingents étrangers, plus évidemment ceux de Cadix et de Cabrera. En tout donc à peu près 100 000. La proportion normale donnerait 200 000 blessés. Ce qui finalement aboutirait à un total de 300 000 hommes. Le lieutenant-colonel Clerc, lui, pense que nos pertes se sont élevées à 473 000 Français. Ce chiffre me paraître être trop fort pour les effectifs engagés. Marbot est un témoin plus direct, au surplus sans aucun motif de partialité dans un sens ou dans l’autre. Voici ce qu’il écrit : « Dans la péninsule ibérique, les français ont eu 200 000 hommes tués ou morts dans les hôpitaux ; auxquels il faut joindre les 60 000 perdus par nos alliés de diverses nations ». A titre de comparaison, il est intéressant de remarquer que la guerre d’Espagne nous aurait, à nous seuls Français, coûté exactement deux fois plus que la guerre de 1870 alors que, au début du XIXème siècle, notre pays était d’un tiers moins peuplé. Quant aux Espagnols, ils calculent que, pour eux, ils auraient, d’une manière ou d’une autre, perdu 5 000 000 des leurs. Pour une population total de douze millions d’âmes, la saignée se trouverait ainsi être très supérieure à celle de la France de 1914 à 1918.
On comprend qu’elle ait laissé un terrible souvenir ».
Georges ROUX, (« Napoléon et le guêpier espagnol », Flammarion, 1970).