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L’espion Schulmeister…

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Qui ne connaît l’espion Charles Schulmeister ? C’est lui dont le préfet du Bas-Rhin, Lezay-Marnesia, disait qu’il avait joué un grand rôle dans la diplomatie secrète de Napoléon et qu’il avait bien des moyens de le jouer encore; il était, disait Lezay, le plus célèbre et le plus audacieux des espions de Bonaparte et sa police est autrement puissante que la mienne, tant en intelligence qu’en finances. La pièce qui suit a trait au « roi des espions », et son auteur, un Alsacien sans doute, un royaliste que nous ne connaissons pas, nous renseigne sur une intéressante tentative de Schulmeister que Napoléon avait chargé d’enlever Marie-Louise.

 Arthur CHUQUET.

L'espion Schulmeister… dans FIGURES D'EMPIRE Charles-Schulmeister.Charles Schulmeister. Notice sur l’agent le plus actif le plus dangereux de la police de Bonaparte.

Fils d’un ministre protestant de Freistett, grand duché de Bade, fut espion des Autrichiens en 1793- 1794, dans les premières campagnes sur le Rhin; habitait alors un vieux château appelé Anbach, près de Sasbach, en face du monument de Turenne. Depuis, ayant établi une manufacture de tabac à Strasbourg, fit banqueroute quelque temps après. Se trouvant ans ressources, se lit chef de contrebandiers et devint si audacieux et si redoutable dans ce métier qu’à la demande de l’administration des douanes il fut déporté de France par un arrêté de M. Shée, alors préfet du département du Bas-Rhin. Lorsque la Grande Armée de Boulogne passa le Rhin pour ouvrir la campagne d’Austerlitz, s’y attacha comme espion et se fit connaître par le tour hardi qu’il joua à Ulm au général Mack. Savary, chargé de la police de Bonaparte, se l’attacha particulièrement et bientôt il devint son omnis homo. Il l’’accompagna lors de la campagne de Prusse, dans son gouvernement de Koenigsberg lorsqu’il fit vendre les bâtiments du port avec leurs cargaisons. Ensuite, lors de la campagne e Wagram, Schulmeister fut nommé chef de la police par Rovigo. Il revint de l’Allemagne avec une fortune immense, étala en Alsace un faste insolent,  acquit pour un million de bien-fonds, se faisant traîner par l’attelage des chevaux blancs hongrois volés à Vienne au prince de Palfy, dont il habitait l’hôtel, et sa femme couverte des diamants qu’il enleva à Vienne dans le séquestre qu’il se permettait comme chargé de la police. Par la protection de Savary, devint associé dans l’entreprise générale des jeux de Paris et des bains de Baden, ce qu’il est encore. Connu, méprisé, conspué en tous lieux et dans les journaux allemands, notamment ceux de Coblenz et de Carlsruhe, il n’en continua pas moins ses correspondances secrètes et relations de police, auxquelles es agents de tous les jeux de France et d’Allemagne, ainsi que les comédiens et artistes ambulants et les voyageurs marchands, sont spécialement employés. Il possède à ferme une superbe chasse dans le grand-duché de Baden, sous le titre d’aide de camp du duc de Rovigo. Depuis que les Autrichiens tiennent garnison  Kehl, n’a plus osé jouir du plaisir de la chasse, craignant quelques récriminations de la part du commandant,  à raison des horreurs qu’il a commises à Vienne, se flattant néanmoins dans le courant de février, de son intimité avec Suchet, pour narguer le commandant autrichien. Depuis, a disparu de l’Alsace et des terres qu’il possède dans un département aux environs de Paris. Maintenant on a la conviction que ce misérable était en Autriche pour diriger l’opération de l’enlèvement de l’archiduchesse Marie-Louise. Ce coup ayant échoué, il s’est échappé et, étant toujours uni de tous les passeports, lettres de commerce et pièces les plus régulières pour se soustraire à toutes recherches, prenant même tous les costumes et toutes les décorations, il a été manqué de deux heures, le 6 mars 1815, à Francfort-sur-le-Main. Il aura sans doute été rejoindre son ami Suchet ou Savary, digne protecteur d’un tel monstre. Signalement : taille, 5 pieds 1 pouce ; stature, aigre ; sourcils et cheveux roux ; petits yeux vifs ; parlant allemand, français, latin, anglais, italien : air effronté ; enfin, le crime personnifié.

(Arthur CHUQUET, « Lettres de 1815. Première Série  [seule parue] », Librairie Ancienne, Honoré Champion, Éditeur, 1911, pp.406-409).

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