L’Empereur s’est éteint il y a deux jours ( à la fin de la journée du 5 mai 1821). Ecoutons Louis Marchand, valet de chambre de l’Empereur (Mémoires parus la première fois chez Plon dans les années 1950, puis réimprimés par la suite chez Tallandier).
Le lendemain 7 mai 1821, dans la matinée, officiers et soldats qui n’avaient pas eu l’honneur de défiler devant l’Empereur y furent admis, ainsi que les habitants les plus notables de la ville, hommes et femmes qui se présentèrent. Miss Masson admira la main de l’Empereur étendue sur le lit, la lui serra et s’éloigna la paupière humide de larmes ; beaucoup de gens du peuple se proposaient de voir aussi celui dont ils avaient entendu parler sans le connaître, mais ils furent arrêtés à la première enceinte de Longwood. L’Empereur avait destiné ses cheveux aux membres de sa famille ; avant de procéder à l’opération du moulage, ils furent rasés et mis sous scellés par le comte de Montholon qui m’en rendit dépositaire. Le Dr Burton s’étant procuré le plâtre nécessaire, le Dr Antommarchi aidé de lui et d’Archambault qui soutenait la tête de l’Empereur, prit en notre présence le masque dont le moulage réussit très bien, c’est la figure du moment, mais non celle de six heures après la mort qui, la barbe faite, était celle du [Premier] Consul [1]. Les médecins qui avaient assisté à l’autopsie eurent l’inconcevable prétention, non seulement de dresser procès-verbal de ce qu’avait fait le Dr Antommarchi, mais encore de le lui donner à signer ; il s’y refusa alléguant avec raison qu’ayant fait l’autopsie, c’était à lui à la signer et qu’il leur en délivrerait une copie si cela leur était agréable ; mais ils la refusèrent.
[1] Louis-Etienne Saint-Denis (le Mameluck Ali), dans ses « Souvenirs », apporte également la version de cet épisode : « Dans la matinée, Mme Bertrand ayant eu l’idée qu’il serait convenable qu’on eût l’empreinte de la figure de l’Empereur, un médecin anglais, M. Burton, était allé à la recherche de quelque pierre calcaire propre à faire du plâtre. Le médecin, étant parvenu avec quelque peine à trouver ce qu’il désirait, revint à Longwood avec un peu de mauvais plâtre qu’il avait obtenu de la cuisson. Dès que le public s’en fut allé, lui et Antommarchi se mirent à l’œuvre. Pour faciliter l’opération, on dégagea le cou de l’Empereur, en ôtant le col et la cravate et en ouvrant la chemise. De plus, on coupa les cheveux qui garnissaient encore le front et les côtés. Il faut dire que les autres cheveux avaient été coupés après l’autopsie pour être employés à faire des bracelets qui devaient être envoyés à différentes personnes de la famille impériale et suivant l’ordre qu’en avait donné l’Empereur. Malgré la mauvaise qualité du plâtre, Antommarchi et Burton réussirent fort heureusement à tirer le moule d’abord de la face et ensuite de l’autre partie de la tête. Il est très fâcheux que l’on n’ait pas pensé à mouler les mains, lesquelles cependant étaient assez belles pour être conservées. »